d'Akira Kurosawa (1957 Japon) version restaurée
avec Toshiro Mifune (le voleur) Kamatari Fujiwara (l'acteur de kabuki) Minoru Chiaki (le samouraï déchu) Bokuzen Hidari (le bonze) Akemi Negish (la prostituée) Isuzu Yamada (la propriétaire de l'asile) Ganjiro Nakamura (son mari ) Kyoko Kagawa (sa sœur)
1957 : prix Kinema Junpō de la meilleure actrice pour Isuzu Yamada
rétrospective Akira Kurosawa Omnia (du 21 août au 3 septembre) séances samedi 20h, lundi 16h45
Deuxième moitié du XVIIIème siècle. Dans un quartier insalubre d'Edo une auberge est tenue par Rokubei et Osugi un couple cupide et malfaisant. Là survit tant bien que mal une poignée de laissés-pour-compte : Sutekichi le voleur, Tonosama le samouraï déchu , un ancien acteur de Kabuki devenu alcoolique , Osen la prostituée, Unokichi le jeune chien fou, un joueur invétéré, Tomé un rétameur miséreux qui attend que sa femme mourante pousse son dernier soupir... Un jour débarque parmi cette humanité en déréliction Kahei , un vieil homme qui se dit bonze. Il va de locataire en locataire, écoutant leurs histoires et leurs peines, essayant de les soulager par des mots réconfortants.
Tu finiras en enfer ! dit l'acteur, J'y suis déjà lui répond le joueur
Avec ses deux décors uniques: la chambre/dortoir et la cour , le film de Kurosawa (adaptation de la pièce de Gorki) s’apparente à du théâtre filmé ; impression que confirme un autre choix celui de limiter les mouvements de caméra -tout au plus léger zoom sur une « avant-scène », quelques gros plans, des entrées et sorties, à l’instar d’ailleurs d’une scène de théâtre …A tel point que l’enfermement (seule une bande étroite en haut du cadre laisse deviner un semblant d’ailleurs, de même que la bande-son et les faux rideaux qui volètent sont les indices de conditions climatiques assez rudes) sera encore plus oppressant pour les personnages, spectateurs à l’intérieur du cadre, du théâtre intime de leurs compagnons d’infortune mais aussi pour le public qui n’est pas toujours convaincu par « la théâtralité de la déclamation » son « artificialité » (chaque personnage à un moment joue sa partition en solo, une partition faite de déboires et de désenchantements)
Or précisément à travers l'évocation de ces déboires se dessine en creux une société faite de misères difficiles à colmater et de rancœurs (ce milieu pouilleux dans sa diversité même, n’est-il pas comme le microcosme d’une société en crise -mauvaise gestion du shogunat. Rappelons qu’à la fin du XVIII° siècle la famine de Tenmei durera six ans, faisant des centaines de milliers de morts et provoquant des émeutes du riz à Edo)
Dans ce « dortoir miteux» rôde la mort: grabataire l’épouse du rétameur, agonise ; après une altercation violente l’hôtelier expire sous nos yeux (sa femme accuse l’ex voleur dont elle est la maîtresse …) hors champ un suicide Plus symbolique la mort de tout espoir ! Le numéro de "music-hall" -chanté dansé accompagné d'instruments de musique-- n’est festif qu’en apparence dans la concomitance voire la coalescence du désespoir et de la dérision …
Et si le mensonge était le seul rempart contre la déliquescence ?
Le voyageur philosophe en était persuadé lui qui a su dispenser à chacun ce que précisément il souhaitait entendre !
Las ! il a plié bagage !!!
Colette Lallement-Duchoze