de Jacques Audiard (2023)
avec Zoe Saldana, Karla Sofia Gascon, Selena Gomez, Adriana Paz, Edgar Ramirez
Musique : Camille et Clément Ducol Chorégraphie : Damien Jalet
Cannes 2024 :
Prix du jury
Prix d’interprétation féminine pour l’ensemble des actrices Zoe Saldana, Karla Sofia Gascon, Selena Gomez et Adriana Piaz
14ème prix Cannes Soundrack attribué à Camille et Clément Ducol pour la BO et les chansons du film
Argument: Au cours d'une carrière orientée sur la défense de criminels, l'avocate Rita Moro Castro est chargée par Manitas del Monte, un chef de cartel mexicain en fuite, d'organiser le simulacre de son décès, sa « chirurgie de réadaptation sexuelle » pour l'aider à vivre la vie dont il a toujours rêvé. Tournant le dos à son passé, la dorénavant Emilia pourra réparer le malheur que Manitas a causé.
Intrigué par le personnage d’une femme trans narcotrafiquante dans le roman Ecoute de Boris Razon, Jacques Audiard décide d’en faire le personnage principal d’un « opéra ». Ce sera Emilia Perez, thriller musical sur la « rédemption » et il tourne ce dixième long métrage, en langue espagnole, dans des studios d’Ile de France, avec au casting Zoé Saldana et Karla Sofia Gascon …
Magnifique, flamboyant. Un des sommets du festival de Cannes
Un concert de louanges.
Face à ces dithyrambes osons des bémols
On ne s’ennuie pas …encore que…Mais est-ce un critère suffisant d’appréciation ?
Le ton est donné dès les premières séquences dites d’exposition : marier en un rythme assez trépidant les milieux de la criminalité de la justice de la chirurgie ET l’euphorie de la « comédie musicale » Pari audacieux, insolite (et à l'ode transgenre ajouter les deux thèmes de prédilection du cinéaste, la paternité et la transmission de la violence). Certes il y a des moments d’indéniable inventivité (mécanique répétitive des fusils que l’on recharge qui s’apparente à une chorégraphie, par exemple) et la performance de Zoe Saldana (en tant qu’actrice chanteuse danseuse) ou de Karla Sofia Gascon est incontestable …
La séquence finale (la seule tournée au Mexique ? ) reprenant en fanfare Les passantes de Georges Brassens ose une majesté processionnaire mais elle n’est pas complètement débarrassée d’oripeaux ; la parole chantée répète en chœur la présence d’un mystère…une évanescence, alors que l’image exhibe une statue de …sainte ( ?) ! Cela ne résume-t-il pas l’ambiguïté du film ? et ses faux semblants…
La liste des bémols serait longue fastidieuse et risquerait de spoiler..
Contentons-nous de signaler que certaines parties chantées ou chorégraphiées semblent plaquées, que certaines chansons (sur la vaginoplastie par exemple) sont d’un goût douteux, que la séquence karaoké est franchement insipide voire inutile, que l’outrance l’excès -une constante chez Audiard- font que l’hybridation des genres - tragédie musicale, thriller, télénovela, chronique criminelle mexicaine, chronique familiale et les questionnements sur la transidentité, sur la féminité et le féminisme ne « prennent » pas toujours (exception faite peut-être pour la séquence du banquet où l’hypocrisie des « bienfaiteurs » corrompus est astucieusement fustigée)
Cerise sur le gâteau : Emilia interrogeant Jessi sur ses relations amoureuses, sexuelles, va retrouver le « virilisme » de Manitas (voix et regards changent…) quand l’ex épouse a décidé de se remarier et de garder les enfants :
N’est-ce pas (re)tomber dans le piège de l’essentialisme?
Colette Lallement-Duchoze