de Philippe Lesage (Canada 2023)
avec Noah Parker (Jeff) Arieh Worthalter (Blake) Aurelia Arandi Longpré (Aliocha) Paul Ahmarani (Albert) Sophie Desmarais (Millie) Irène Jacob (Hélène) Laurent Lucas (Eddy)
Synopsis: Jeff, 17 ans, est secrètement amoureux d’Aliocha. Tous deux admirent le mystérieux Blake, un vieil ami du père de la jeune fille, qui les invite à passer quelques jours dans son chalet de chasse au cœur du grand nord canadien. Là, en pleine nature, les deux adolescents se confrontent à un monde d’adultes puérils, prêt à s’embraser
Comme le feu ? celui d’une cheminée qui rougeoie, source de chaleur, mais aussi réceptacle (purificateur ?) de choses enfouies (et Jeff y jettera la photo dérobée… cause de ses tourments) Mais surtout des cendres à peine refroidies peut (re)naître un brasier dévastateur : ainsi de ces rancœurs et frustrations qui bondissent, d’abord en flammèches puis qui enflamment tout sur leur passage : la sérénité des rapports (incarnée par le couple Hélène -Irène Jacob- et Eddy -Laurent Lucas ?), la quête d’amour, l’amitié, le partage tout est contrarié, bafoué voire anéanti. Le monde des adultes est lamentable et malsain aux yeux de ces jeunes, eux-mêmes (surtout Jeff) en proie aux affres de la douleur.
Voici un chalet isolé (on ne peut y accéder qu’en hydravion) au milieu d’une nature « sauvage ». Le réalisateur va alterner scènes d’intérieur (dominante ocre rouge mordoré) et séquences en extérieur (forêts lacs montagnes). Il filme les agapes (du soir) en plans séquences ; bien vite l’émerveillement (quand le cuisinier/factotum apporte les mets) se transforme en joutes où les deux « amis » se battent à coup d’invectives reproches ressentiments, bien arrosé.es…et d’ailleurs l’ambiance musicale (harmonica et guitare) et chorégraphiée du premier soir ne se renouvellera pas…La nuit, mezza voce ou sous forme cauchemardesque, apportera à Jeff son lot de frustrations aimantées par la jalousie… Quant aux scènes en extérieurs, en principe dédiées à la chasse à la pêche, elles peuvent virer au cauchemar… L’affrontement Jeff/ Blake (pour la vie ou la mort ) dans ses non-dits mêmes en serait l’acmé
On retiendra ce long prologue (le traitement de la durée…avec faux (re)démarrages et faux (re)départs sera un des fils directeurs du film) où nous suivons en temps réel la voiture d’Albert dans le ruban sinueux, où la musique synthé a une puissance enveloppante ; et -quand la caméra a pénétré l’habitacle- ce gros plan prolongé sur les visages d’Aliocha et de Jeff, sur leurs mains -ô ce pudique effleurement ô force suggestive de l’amour ! le même plan au final (après 3 jours si éprouvants) mais seule la main d’Aliocha est dans le cadre… Aliocha qui vient de lire un extrait du poème d’Emily Dickinson… Aliocha le seul personnage lucide et libre ?
Oui ce que l’on peut appeler sans ambages un entre soi pourra paraître épuisant au spectateur -lequel peut déplorer aussi le manque d’humour …
Mais on sera très sensible au jeu des acteurs principaux (la palme revenant à Arieh Worthalter dont on avait admiré la prestation dans Le procès Goldman), sensible à ce montage qui fait fi de certaines attentes, dans le traitement du « temps » de la « durée », une façon de filmer qui fait la part belle aux « ruptures » entretenant une « lente combustion », avec des références à peine voilées à Délivrance à Sonate d’automne (clin d'œil un peu trop appuyé, le chien de Blake se prénomme Ingmar ; chien qu'il caresse et pleure…par trop d’amour... au moment où... )
A voir c’est une évidence !
Colette Lallement-Duchoze