19 juillet 2024 5 19 /07 /juillet /2024 05:37

de Victor Iriate (Espagne 2023)

 

avec Lola Dueñas, Ana Torrent, Manuel Egozkue

 

Mostra de Venise (septembre 2023)

Synopsis: Il y a vingt ans, on a séparé Vera de son fils à la naissance. Depuis, elle le recherche sans relâche, mais son dossier a mystérieusement disparu des archives espagnoles. Il y a vingt ans, Cora adoptait un fils, Egoz. Aujourd'hui, le destin les réunit tous les trois. Ensemble, ils vont rattraper le temps perdu afin que chacun puisse panser ses blessures et remettre les choses à leur place.

Dos madres

Ce film s'inspire d'un scandale d'État : l’enlèvement d’enfants à la naissance au prétexte de les éloigner de la « mauvaise influence politique de leur mère…scandale révélé en 2010 par le documentaire « les enfants volés du franquisme »- Et dans la première partie certaines images d’archives -à la force suggestive décuplée car elles sont muettes -- ainsi que la voix off de Vera rappellent cette atroce tragédie…qui a perduré après Franco....

 

Dans ce premier long métrage, chapitré en plusieurs parties, - points de vue, lettres, voix off qui se relaient -à travers le parcours de la mère biologique (admirable Lola Dueñas découverte avec Almodavar) celui de la mère adoptive et de l’enfant, Victor Iriate mêle le roman d’espionnage le roman épistolaire et le carnet de voyage. Sa mise en scène inventive originale n’est pas dénuée toutefois de  maniérisme voire d'affèterie (exercice de style censé tenir à distance le spectateur ?)

 

D’emblée le film se donne à « lire » telle une partition : voyez ces doigts qui suivent un itinéraire routier lequel se prolonge par un plan de ville avant de montrer le continent sud-américain ; une main rencontre une autre main alors que les deux montres au poignet (accordées comme le seront plus tard les pianos sous l’égide d’Egoz à San Sebastian ou les trois montres au final) inscrivent le film dans une forme de durée (formelle réelle et fictionnelle )  lui insufflant un tempo. Doigts qui frappent le clavier de la sténotype (première partie) ou les touches du piano (deuxième partie) , doigts et mains à l’unisson dans le tracé puis l’exécution du « plan » conçu par Vera (troisième partie) 

 

Partition d’un « crime atroce ». En citant en exergue, dès le générique,  un extrait d'Amuleto du poète chilien Roberto Bolaño, le réalisateur espagnol imprime à son film (dont le titre originel est sobre todo de noche)   atmosphère angoissante et terreur politique ; quand bien même ça n’en aura pas l’air car c’est moi qui parlerai. Ce dont témoignerait la longue lettre de Vera adressée au fils ? Elle rappelle (voix off) toutes les tentative, les recherches,  les démarches (même les plus illégales) les refus essuyés.  A-t-elle imaginé ? comme on le lui a fait croire.... Et nous suivons son parcours dont le traitement rappelle le film d’espionnage le film noir et le thriller (cf le pistolet caché dans un livre, l'échange de liasses, les morts programmées, les propos comminatoires etc...) elle-même revendique son "basculement dans la clandestinité" 

 

La voix off de Cora prend le relais:  tout un pan de quotidienneté assumée (mère adoptive et fils) dans un traitement plus naturaliste est l’objet de la deuxième partie avant que le « trio » - n’exalte en exultant une sororité exemplaire, ainsi que  les relations aimantes mère(s) et fils. Le voyage au Portugal frappe par son mélange de contemporanéité et d'obsolescence  (ne serait-ce que par le recours systématique aux médaillons/effigies) tout en célébrant la beauté des rives du Douro. 

 

Ainsi s’opèrent non seulement la fusion mère biologique/mère adoptive/fils mais aussi formellement l’effacement des disparités; car les nouveaux masques -perruques ou colorations des cheveux- ont remplacé les spécificités propres à chacune des parties, pour l’exécution du plan, dans l’ex prison de Porto … !

 

On pourra être émerveillé voire subjugué par la puissance créatrice de Victor Iriate, mais parfois  agacé par un formalisme non exempt de préciosité….

 

Colette Lallement-Duchoze

 

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