Documentaire d'Alexe Liebert ( France Irak 2023)
Photo Michel Slomka
Voix : Golshifteh Farahani
Musique Benjamin Chaval, Dakhil Osman
Le 3 août 2014, le groupe État Islamique s'est lancé à la conquête de la région du mont Sinjar, en Irak. Cinq ans plus tard, plus de trois mille Yézidis sont toujours entre leurs mains ou portés disparus. Le demi-million de Yézidis qui vivaient dans les villes et villages de la région ont fui. Ne leur reste plus aujourd'hui que la souffrance vive laissée par ceux qui sont absents : les hommes et les vieillards qui remplissent les charniers laissés par Daech.
entre 2016 et 2017 la réalisatrice est partie à la rencontre des rescapés
Je suis la mémoire et la douleur est mon nom.
Nous, Yézidis, nous sommes tous morts.
Ecran noir, silence sépulcral.
Puis en off la voix de Golshifteh Farahani
Le mont Sinjar tel un leitmotiv, -contemplez-le noyé dans la brume, inondé de soleil, ses flancs hébergeant des coquelicots- ou immergez vous dans la béance de la plaine et sa Douleur-, avant que le documentaire ne donne la parole à ces femmes à jamais dévastées (des témoignages plus que bouleversants sur la violence, les viols, les meurtres savamment perpétrés par Daech, femmes esclaves « Esclave sexuelle à vendre. Belle, grande, élancée, obéissante. 12 000 $) Elles sont là comme figées dans le deuil portant un enfant essuyant ces larmes qui tracent sur leur visage le dessin de leur destin
La réalisatrice a construit son conte documentaire sur l’interdépendance -une osmose- entre les habitants les Yézidis (leur culture, leur religion mélange de zoroastrisme et d’autres cultes perses de l’Antiquité) et leur environnement le macrocosme (travail remarquable du photographe Michel Slomka,) avec ralentis zooms et vues d’ensemble ou en plongée, et une palette de couleurs qui s'harmonisent avec la (les) lumière(s)
Elle l’a scandé en plusieurs « mouvements » comme autant d’étapes- : les témoignages de femmes (rescapées de l’enfer) d’hommes orphelins de leurs familles, de combattants locaux face à l’absence d’une aide internationale, mais aussi par des scènes de liesse collective ou de rites, Une bande-son suggère parfois le massacre (d'autant plus intolérable...) ou de gros plans sur des ossements ou un zoom sur un crâne couturé illustrent la barbarie (l'impossible cicatrisation?)
Mais les voix, jamais, ne se sont tues, chants musiques et poèmes survivent en résilience- hantée par les fantômes des disparus.
O temps suspendu du traumatisme et de l’exil,
ô crête du mont Sinjar,
ô l’attente de voir revenir les tiens
je suis la voix
mémoire du passé mémoire du présent
je suis
Projet singulier qui mêle journalisme, engagement humanitaire, photographie et poésie.
Un conte documentaire subtil à ne pas manquer
Colette Lallement-Duchoze