de Hong Sang-soo (Corée 2023)
avec Shin Seokho Seung Yun Kim Ha Seong Guk
Biennale de Berlin 2023
Sur l'île de Jeju, un jeune acteur réalise un film. Alors que l'inspiration lui manque, il aperçoit une silhouette au pied d'une falaise. Grâce à cette rencontre et à une chanson d'amour écrite des années plus tôt, il a enfin une histoire à raconter.
D’emblée le spectateur est prévenu ce film est volontairement FLOU
Et de fait ce procédé récurrent dans la quasi-totalité du film (avec des variations et d’une manière plus ou moins prononcée selon que c’est filmé en intérieur, en extérieur ou en bord de mer) pourrait apparenter ce « film » à une succession d’aquarelles de style impressionniste -avec cette fragmentation (couleur/Pixel) ou cette confusion entre mer et ciel (la dernière image -celle choisie pour l’affiche- où la confusion induit l’effacement…est la plus probante), et avec la présence d’êtres humains aux contours mal définis. Un flou formel -imprécision- en accord avec le "flou" du propos – les atermoiements ou l’indécision initiale compensé. es par le(s) discours? Comme si on assistait au making of d’un projet en devenir (celui de filmer à partir d’impressions)
Reprenons. Voici trois personnages un acteur Seoung-mo (Shin Seokho) qui ambitionne de faire un court métrage mais qui est en panne d'inspiration , une actrice Nam-Hee (Seung Yun Kim), et un caméraman Sang-guk (Ha Seong Guk). Voici de longues scènes filmées comme autant de plans séquences, voici quelques échanges (au moment des repas ou lors de repérages); peu de mouvements de caméra. Soit un minimalisme auquel le cinéaste coréen a habitué son public. Minimalisme au service de questionnements sur le processus de création et sur les « possibles » du numérique.
Et voici que le cinéaste invite (ou contraint ?) son public à modifier sa relation à l’image ou du moins à sa netteté (celle du numérique précisément), à « rêver » le film plus qu’à le « voir» Ciels brouillés, soleils mouillés si chers à Baudelaire? (les exemples abondent : une fleur suscite l’admiration, le spectateur l’appréhende comme l’absente de tout bouquet ? ou l’imagine en la rêvant ? Un reflet dans l'élément liquide et c’est son frémissement doré qui invite à…dépasser ces apparences floutées) Tourments intérieurs et « mouvements ondulatoires de l’eau » ? Peut-être ! à condition d’aller au-delà de la simple perception -dont l’aplatissement de la profondeur de champ servait de prolégomène- Et en cela le cinéaste revendique sa parenté avec Cézanne qui écrivait tout ce que nous voyons, n’est-ce pas, se disperse, s’en va. La nature est toujours la même, mais rien ne demeure d’elle, de ce qui nous apparaît. […] Qu’est-ce qu’il y a sous elle ? Rien peut-être ». Mais, ajoute-t-il « Peut-être tout. Tout, comprenez-vous ?
Quand enfin telle une épiphanie, le geste de cette "cueilleuse de déchets" illumine la longue attente et se concrétise dans un discours à résonance écologique et dans la "réalisation" du court métrage, le cinéaste va abolir toutes les frontières : (con)fusion ciel mer, réalité et fantasme onirique et ….disparaître
Film expérimental ? Un cheminement vers plus de radicalité ? Peut-être
Son précédent film « walk-up » Walk-up - Le blog de cinexpressions avait déjà enchanté …..une partie…. du public …
Colette Lallement-Duchoze