30 juin 2024 7 30 /06 /juin /2024 06:55

Court métrage de Jean-Luc Godard (2023)

 

Présenté au festival de Cannes 2023 (Sélection Cannes Classics) 

Jean-Luc Godard transformait souvent ses synopsis en programmes esthétiques. Drôles de guerres procède de cette tradition, et restera comme l’ultime geste de cinéma, qu’il accompagne du texte suivant : "Ne plus faire confiance aux milliards de diktats de l’alphabet pour redonner leur liberté aux incessantes métamorphoses et métaphores d’un vrai langage en re-tournant sur les lieux de tournages passés, tout en tenant compte des temps actuels."

Film annonce du film qui n'existera jamais "Drôles de guerres"

Il  est difficile de trouver un chat noir dans une chambre obscure, surtout quand il n’est pas là 

 

 

Ce court métrage (film annonce) se présente comme un collage de photos notes croquis dessins + extraits de « notre musique » (film de 2004) ;  une succession de longs  plans fixes, dont , certains,  masse spectrale, carrés blancs seraient comme l’illustration de ce « qui n’est pas « . Au silence sidéral  et sidérant- du début succède un accompagnement musical surdimensionné et fracassant qui pénètre le corps et l’esprit du spectateur. Ce dernier ne doit pas se contenter de « regarder » (spectare) il est prié de « faire le film » à partir de ces éléments - les « trailers » et « lettres filmiques « (réalisés par Godard)-,  comme autant d’indices « c’est votre affaire et non la mienne de régner sur l’absence » Cela est d’autant plus troublant que l’absence du réalisateur est définitive.... Une double absence donc celle d’un film (cf le titre) celle de son auteur (décédé en 2022). Godard -dont la voix off dans sa raucité caverneuse mais aussi chevrotante éraillée est déjà outre tombe-,  dit avoir voulu adapter les « faux passeports de Charles Plisnier  (1896-1952 ). Ce roman goncourisé (1937) est « une réflexion crépusculaire sur les idéaux communistes déchus » J'ai été intéressé par ces portraits imaginaires ou réels de quelques militants de l’époque qu’il avait connus vers 1920 «C'était plus comme un peintre en littérature, il faisait des portraits de visages ou d’allures » et Godard souhaitait s'intéresser à deux des cinq "portraits"  en privilégiant le personnage de Carlotta 

Cette  ébauche d’un long métrage jamais tourné « drôles de guerres »  est un  « poème visuel et sonore » : il se regarde, il s’écoute dans le silence ou dans la superposition de musiques éruptives fracassantes et de mots désaccordés entrechoqués.  Le réalisateur a  tourné le dos à la grammaire cinématographique traditionnelle (images et couleurs ont remplacé les « raccords » ; raccords qui seront des écarts des failles temporelles et non plus des liaisons)

 

 

Une expérience flatteuse pour le spectateur (et peu importe qu’il soit familier ou non du cinéma de Godard, qu’il l’ait admiré ou conspué) car il pénètre dans la dimension scripturale du cinéma–(plan et page, image et texte manuscrit)

 

Écoutons le message (ultime ?) à propos de Scénarios, présenté en deux versions (18 ou 34 minutes) dans la section Cannes Classics.2023   « Le film est court mais il a du temps, c’est le cinéma du présent. Et dans ce présent, dans les silences, la pensée est vivante, vibrante, ici et maintenant. »

 

Colette Lallement-Duchoze

 

Séances lundi 15h40 mardi 15h50 (ce court métrage est suivi du film « notre musique » 1h20 2004)

Partager cet article
Repost0

commentaires

Mode d'emploi

Ce blog est destiné à collecter nos ressentis de spectateurs, à partager nos impressions sur les films (surtout ceux classés Art et Essai).

Envoyez vos articles ou vos réactions à: artessai-rouen@orange.fr.

Retrouvez aussi Cinexpressions sur Facebook

 

 

Recherche