de Dominic Sangma (Inde 2023)
avec Torikhu A. Sangma, Handam R. Marak, J.H. Sangma
Festival des 3 Continents de Nantes
Dans un village du Meghalaya, au nord-est de l’Inde, plusieurs jeunes hommes disparaissent mystérieusement durant la nuit. Alors que les anciens accusent de kidnapping les étrangers de passage, le prédicateur y voit les prémices d’une apocalypse de 40 jours et 40 nuits qui plongera les habitants du village dans l’obscurité. Vu à travers les yeux de Kasan, un garçon de dix ans souffrant de cécité nocturne, les forêts alentour n’ont jamais paru aussi terrifiantes...
Soit c’est la nuit, soit on n'a pas besoin de lumière
D’emblée vous allez être plongé au cœur des ténèbres que vont irradier des myriades d’étincelles - clignotements de torches brandies par des humains dont la rumeur telle une mélopée va dominer les frémissements de la forêt et quand la caméra s’approche, nous comprenons qu’il s’agit de la rituelle cueillette de cigales (avant leur dégustation) …
Nous sommes au nord-est de l’Inde dans la tribu Garo, au cœur de la jungle du Meghalaya, Jouant avec la polysémie du titre « rapture » (doctrine eschatologique, enthousiasme, enchantement, enlèvement magique) le cinéaste enchevêtre dans ce second volet d’une trilogie consacrée à son enfance, vision et réflexion. De même qu’il fait alterner ténèbres et lumière, forces nocturnes perturbatrices et forces diurnes, chamanisme et foi chrétienne, l’individuel (filmé à hauteur d’enfant ; Kasan) et le collectif (le village lui-même divisé)
Pour pallier la peur panique qui s’empare des habitants (suite à la disparition d’individus ou à la mort suspecte d’animaux) il faut trouver un bouc émissaire : les étrangers appâtés par la vente d’organes ? Dieu et son ordalie ? Justice immanente ? châtiment divin que l’on peut contourner moyennant finances ? attente fébrile de la statue de la vierge miraculeuse ? Réalité plus sordide, mesquine et mortifère qui exploite la peur? Tels seraient les enjeux d’une intrigue multiple dont le « fil directeur » est ce gamin atteint de « cécité nocturne » Kasan est en effet notre guide (c’est par ses yeux que nous assistons à la scène de tabassage, c’est dans ses cauchemars que nous nous immisçons, c’est avec lui que nous allons allumer l’étincelle de la tragédie)
Sonder la nuit, se laisser hypnotiser par la somptuosité de la forêt, la jungle et ses sortilèges, dans une perspective animiste parfois (cf cette profondeur de champ quand un individu s’éloignant du premier plan va se confondre avec l’élément végétal ou quand le trio assis sur les racines d’un arbre plus que séculaire semble faire corps avec lui)? Certes, mais surtout ne pas succomber à la tentation de l’ethnocentrisme ?
Oui Rapture allégorie sociale (et/ou parabole sur la peur ) nous invite à combattre les dérives obscurantistes de tout bord (quand bien même elles seraient ici essentiellement religieuses )
A ne pas rater !!!
Colette Lallement-Duchoze