Documentaire réalisé par Claus Drexel ( 2023)
Ils sont de toutes origines et ont vécu près d’un siècle. Ils ont traversé les bouleversements de l’histoire. Ils sont drôles, émouvants, rebelles. Ils nous surprennent et nous émerveillent. Pourtant, on entend rarement leur voix. Ce film est une invitation au voyage à travers la France, à leur rencontre : les Vieux...
Filmer en cinémascope, avec plans fixes, entrecouper la parole des intervenant.es par des plans nature : c’est de cette manière que Claus Drexel invite le spectateur à « prendre le temps » de voir, d’écouter, de repérer le moindre détail
Ainsi pour chacune des 30 personnes (ou plus) interviewées -dont des immigrés d’Europe de l’est ou d’Afrique du nord-, c’est d’abord par son environnement que l’on va capter une spécificité, celle qui sert à authentifier le passé – celui d’ouvriers (terrils usines désaffectées corons) de marin-pêcheur (baie de Douarnenez) ou spécificité qui enserre intimement présent et passé : un château vu de loin puis en plan rapproché, une campagne tel un tableau de peinture (cadre, couleurs éclatantes automnales) des ciels carte postale, des montagnes et leur palette de bleu, ou de vert, une vue panoramique sur un arrondissement urbain (Colmar, Marseille) etc.
Puis nous pénétrons dans l’intimité de ces "vieux" -seul.e ou en couple- là où s’éploie leur quotidien : maison, appartement, chambre EHPAD avec de légers travellings sur l'environnement immédiat, mais le plus souvent gros plans fixes sur des objets (objets inanimés avez-vous donc une âme ?) Un dispositif simple : le réalisateur reste hors champ (rarement on entend sa voix) la personne - ou le couple- - est assise (fauteuil, canapé, fauteuil roulant) face à la caméra en frontal, elle se confie (avec plus ou moins d’aisance, de réticence) dit son modus vivendi, se souvient. ! Bien évidemment c’est au montage que la dynamique interne émerge du puzzle initial et que les séquences musicales composées par Valentin Hadjadj apportent leur dimension hypnotique ou vont tout simplement « sédimenter les propos »
Vieillesse d’octogénaires (quelques centenaires) aux visages -plus ou moins- marqués par les ans, aux gestes - plus ou moins- alentis, à la conscience aigüe de l’éphémère, aux souvenirs douloureux (cette femme juive qui a dû survivre seule, ces soldats de la Seconde guerre mondiale, de la guerre d’Indochine ou de la guerre d’Algérie, témoins d’atrocités). Tous semblables ? comme le suggérerait l’emploi de l’article générique « les » (vieux) ? et pourtant si dissemblables !
Vieillesse et douleur de l’isolement (une femme fait le distinguo entre solitude et isolement) vieillesse et acceptation (ou non) de sa finitude, vieillesse et volonté d’en finir (Je n'ai plus aucune utilité. On ne devrait pas vivre aussi vieux) vieillesse et volonté de Vivre (un cri primal avant passage écran noir !)
On retiendra deux beaux exemples, emblématiques du "vivre ensemble" Suite au cambriolage effectué par ceux-là mêmes que le couple accueillait, décision fut prise de mettre en place "une maison associative" afin d’empêcher la délinquance due à l’oisiveté (qu’on est loin des mesures répressives à tout-va !)
Vous voyez ce parterre de fleurs ? dit une nonagénaire bloquée dans son fauteuil de handicapée, c’est de leur diversité que naît la beauté ; il en est de même pour la société…» (qu’on est loin des jugements discriminatoires qui refusent l’altérité !) l’uniformité ne fait pas l’unité
Un documentaire où s’équilibrent moments de respiration, d’émotions, de tension et d’humour ! Où des « histoires individuelles » ont épousé (épousent) l’Histoire, où se profile une "géographie humaine" qui se confond dans sa singularité même avec une natura naturans et une natura naturata
A ne pas manquer !
Colette Lallement-Duchoze
Nb attention « séance indépendante » une seule séance par jour (jeudi 13h45 vendredi 20h samedi 13h45 dimanche 18h20 lundi 13h45, mardi 20h)