de Quentin Dupieux (2024)
avec Vincent Lindon (Guillaume) Raphaêl Quenard (Willy) Louis Garrel, (David) Léa Seydoux (Florence) Manuel Guillot (Stéphane)
Festival de Cannes 2024 (Ouverture)
Florence veut présenter David, l'homme dont elle est amoureuse, à son père. Mais David n'est pas attiré par elle et souhaite s'en débarrasser en la jetant dans les bras de son ami Willy
« On peut se détendre la nouille un peu là ? Non justement elles sont hyper tendues les nouilles (Willy et David)
On n’est plus dans les années 80 là, on s’en branle de ces petites histoires d’amour! (…) On n’est pas sur le Titanic là. Le naufrage, il est mondial! On est tous en train de couler (Guillaume à Florence)
Auteur prolifique Quentin Dupieux l’est assurément: Le deuxième acte est sa troisième création en 10 mois, Et quand la prolixité devient "personnage" (film bavard avoue ironiquement le cinéaste) la prestation des acteurs doit être exemplaire -pari réussi avec mention spéciale pour Vincent Lindon et Raphaël Quenard
Logorrhée verbale où s’entrechoquent tous les ferments et ingrédients de « problématiques très contemporaines » celles liées à l’industrie cinématographique, à la création, à l’acteur, mais aussi aux tendances négatives de notre société. Et voici que s’invitent -pêle-mêle ?- les ravages de l’IA, la porosité de la frontière entre réalité et fiction, l’homophobie et #MeToo , le carriérisme l’individualisme et l’ego surdimensionné des acteurs, le comportement (b)ovin des individus, dicté en partie par l’omniprésence et l’omnipotence de l’image dans une société voyeuriste (un malheur ? une mort ? clic je l’enregistre dans ma galerie IPad )
Or la critique à peine corrosive met TOUT sur le même plan d’autant que l’absurde, le farfelu ou le fantastique (cf le rat baveur, le pneu psychopathe) ont déserté le plateau (hormis le grotesque d’une salle d’op…)
Saluons en revanche la mécanique -savante- de la construction ; loin de cette paresse puérile que l'on reproche parfois au cinéaste
Les duos Willy/David et Florence/Guillaume se répondent en miroir -avec les mêmes effets de rupture quand un des protagonistes s’écarte du rôle qu’il doit interpréter, vitupérant la création cinématographique, revendiquant haut et fort son statut d’acteur accompli exigeant ou se lamentant du peu de considération dont il est l’objet ou encore professant des stupidités
La séquence liminaire -une voiture dans une ambiance crépusculaire ou pré-aurorale, un chauffeur en sueur extrême, un restaurant « le deuxième acte » sis dans un lieu improbable- et voici qu'entre en scène ( dans le cadre) le « figurant » dans le « rôle du serveur ; un serveur tétanisé qui n’en finira pas d’en finir avec ses tremblements (le comique de répétition saturé et saturant dérivant vers le tragique -un faux suicide-) Vilipendé moqué -par les acteurs « prestigieux» - il n’en était pas moins l’élément fédérateur (convergence de tous les protagonistes et d’autres figurants faussement attablés). Leçon ? ? Jouer la comédie est un métier cruel, on peut y laisser sa peau....
Le film n’est que mises en abyme (entendons une mise en abyme d’une mise en abyme) La palme ? Quand Vincent Lindon censé quitter le plateau de la fiction se pare d’une fausse moustache et se grime, avec cet œil/miroir qui reflète un monde « bien à l’envers » : Être dans le vrai, le prétendu réel, serait-ce changer de « masque » ?
Aux longs travellings du début vont répondre en écho ces rails qui n’en finissent pas d’être filmés ; rails qui auront servi à la fiction, rails qui in fine immergent le spectateur dans l’envers du décor, les coulisses du tournage, circulez il n’y a rien à voir (ou plus rien à voir ?)
Une épate narrative que cette peinture difforme de la réalité ….cinématographique? D’une réalité où « l’illusion d’un ordre est abolie ? La bande annonce -succession rapide des acteurs chacun s’attribuant le rôle phare… sans extraits du film et le dessin de l'affiche étant censé.es " guider" le public
Serez-vous Yannick dans votre appréciation?
Colette Lallement-Duchoze