de Joanna Arnow (USA 2023)
avec elle-même, Scott Cohen, Babak Tafti, Alysia Reiner, Barbara Weiserbs
Cannes festival 2023 Quinzaine des Réalisateurs
Portrait d'une trentenaire new yorkaise très décomplexée avec le sexe et surtout avec la soumission
Ce film n'attire pas. Pourquoi ?
La thématique ? Une femme trentenaire recherche partenaire BDSM (acronyme imbriqué faisant référence aux pratiques de bondage et de discipline, de domination et de soumission, de sadisme et de masochisme) Or, à une époque où précisément on dénonce avec virulence domination et machisme ; serait-ce une provocation ? Mais l’opposition entre les deux Ann (au travail et dans l’intimité) ne serait-elle pas révélatrice d’une forme d’exorcisme. Choisir une « soumission » avec ses aspects ludiques et codifiés s’opposerait à cette autre soumission -imposée, contrainte- où l’individu est comme réifié voire néantisé (au travail, on change d’intitulé en gardant la même fonction, par exemple, on fête une année de « bons et loyaux services » alors qu’Ann est employée depuis 3 ans, on est victime de gueulantes discriminatoires, etc.) Est-ce plus ridicule que de se faire traiter de « fuck pig » ? De plus, la « contradiction » avec la revendication féministe n’est qu’apparente (cf le concept d’empowerment )
Est-ce dû au « traitement », à la façon de filmer et au jeu de l’actrice ?
Vous voyez successivement Ann au bureau, Ann en famille, Ann au yoga, Ann dans son appartement et surtout Ann face aux hommes ; succession plus ou moins rapide de tableautins -telles des vignettes- avec plans fixes (à la Roy Andersson) et de longs silences où les personnages sont comme figés dans des rôles (cf la mère, le père, leurs chansons syndicales d’un autre âge, le père et son ordi, et les collègues de bureau). Avec les hommes (Allen surtout) Ann accepte les humiliations répétées, jamais n’exprime une quelconque satisfaction ; hormis ces quelques mots récités sans conviction mais elle affiche, impudique, sa décomplexion (toujours nue, alors que les « partenaires » sont habillés): , Ann, la cochonne au groin ridicule, Ann qui se caresse mécaniquement le sexe, en distanciation de soi avec soi . Est-cela qui met mal à l’aise ? Quand bien même la réalisatrice qui interprète son propre rôle avec apathie nous invite à ne pas confondre « laconisme et effacement »
Impudique, apathique, blasée( ?) Joanna, actrice et réalisatrice, -au physique peu avenant- nous entraîne dans une comédie déconcertante ...à ne pas bouder...pour autant
Colette Lallement-Duchoze