4 mars 2024 1 04 /03 /mars /2024 07:13

De Lisandro Alonso (Argentine France Mexique 2023)

 

avec Viggo Mortensen (Murphy) Chiara Mastroianni (Maya / Colonel) Alaina Clifford (Alaina) Sadie Lapointe (Sadie) Viilbjørk Malling Agger (Molly) Adanilo (L'indigène disparu) 

 

Festival de Cannes 2023 Hors compétition 

Alaina, accablée par son travail d'officier de police dans la Réserve de Pine  Ridge, décide de ne plus répondre à sa radio. Sans nouvelles, sa nièce  part en Amérique latine pour un voyage qui s'avère mystique

Eureka

Le temps est une fiction inventée par les hommes 

 

Le film s’ouvre sur un western (une parodie ?) en noir et blanc au format 1,33, puis le cadre s’élargit en même temps que s’étrécit la série…. Télévisée… avant les infos météo ; nous sommes (second mouvement) dans la réserve de Pine Ridge (Dakota) où nous allons suivre la « ronde de nuit » d’une policière ; elle disparaît de l’écran et de la fiction et c’est avec sa nièce Sadie que nous allons effectuer un voyage dans le temps et l’espace (années 1970 jungle amazonienne). Conquête de l’Ouest, politique d’oppression de l’Amérique actuelle, et politique capitaliste au Brésil -dernier quart du XX°- telles sont les trois séquences constitutives de ce film

 

Un « motif » imagé formel semble les relier celui de l’oiseau, (le jabiru d’Amérique ?) une plume que caresse et interroge Murphy dans le saloon (western) plumes sur le canapé où s’était assise Sadie (avant le « trip » concocté par le grand-père) et voici que (faussement) majestueux l’oiseau entre dans la chambre où « repose » le transfuge après avoir été soigné par la "guérisseuse" ; l’oiseau qui surplombait de ses ailes éployées la réserve, l’oiseau qui aura permis de passer d’une contrée à une autre, d’une temporalité à une autre. Mais ce lien narratif s’enrichit d’une critique suggérée ou explicite. Le réalisateur ne se contente pas de "montrer" les indiens Natifs déshumanisés réduits à des épaves et ce, avec  réalisme,  il s’insurge contre leur anéantissement programmé et la récurrence de l’effacement -voire de l’enfouissement-, d’une séquence à l’autre le prouverait aisément : les Amérindiens sont « effacés » du western (à la fois par Murphy et la femme shérif) ; la policière et sa nièce sont vouées à « disparaître » (mort symbolique) tant elles sont mésestimées et les autochtones en III sont « dépouillés » de leurs biens par les colons rapaces…

Un film exigeant, audacieux. (quand bien même on serait insensible à  l'animisme mystique qui préside à la troisième partie) Certains plans sont d’une sidérante beauté (quand le blanc envahit tout le cadre, quand la barque motorisée semble confondre l’élément liquide et l’imaginaire du blessé, quand une contre plongée magnifie le rôle du guide ou de l’oiseau, quand la policière impose sa corpulence placide au réel) et la bande son (due au percussionniste Domingo Cura) est parfois envoûtante

Mais en optant pour la complexité (et son inévitable artificialité, transformant le réalisateur en « chamane  de la condition indigène» suppléant les trois guides de sa fiction) en recourant aux très longs plans fixes (comme dans Jauja), aux contrastes appuyés (monde des vivants et  des morts, neige et jungle, réalisme et imaginaire, vie moderne tumultueuse et vie contemplative, mutisme et paranoïa, misère et chercheurs d’or) le cinéaste a pris le risque de décevoir:  la dynamique de la rupture  ne brouille -t-elle pas l’implicite de la « théorie » ? et on est acculé  à s’interroger au lieu de se laisser (trans)porter……

Certains spectateurs risquent de rester à quai…..

 

Colette Lallement-Duchoze

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