d'Okivier Py (2023)
avec Laurent Lafitte, Stecy Martin, Bertrand de Roffignac , Jean-Damien Barbin, Judith Magre, Jeanna Balibar, Dominique Frot, Eva Rami ....
Paris, 17 février 1673. Comme tous les soirs, Molière monte sur la scène du théâtre du Palais-Royal pour jouer Le Malade imaginaire. Ce sera sa dernière représentation.
Malade imaginaire ? Plutôt imaginaire malade
Ce sera le parti pris d’Olivier Py, dramaturge, metteur en scène, ex directeur du festival d’Avignon, actuellement directeur du Châtelet.
Univers mental et espace théâtral se superposent, se confondent dans cette exploration des derniers instants de l’auteur acteur artiste que fut Molière. Huis clos théâtral, huis clos mental. Fantômes fantasmes et vécu, souvenirs et moment présent sont traités dans le continuum du plan séquence (la supposée relation avec l’acteur Michel Baron, des bribes de la 4ème représentation du Malade imaginaire au Palais Royal, les intermèdes chorégraphiés, le refus de signer la « renonciation » pour avoir droit à une sépulture, le dialogue avec l’épouse Madeleine par-delà la mort, les griefs à l’encontre du pouvoir de la religion, etc..)
La caméra glisse de la scène aux coulisses, des loges latérales au sous-sol (authentique underground de toutes les permissivités) et à chaque fois nous sommes invités à être les complices/ témoins /spectateurs, en arpentant ainsi les « strates de ce qui fut toute une existence ». Et si certains spectateurs (dans le film) sont outrageusement poudrés grimés (les trois marquises par exemple) les intervenants/actants dans l’imaginaire de Molière sont dénudés des oripeaux, des artifices, car la nudité des corps (masculins de préférence) doit illustrer la « mise à nu » d’un dérèglement des sens
Et voici que défilent -en accéléré ou ralenti-, travelling latéral ascendant ou descendant tous ceux qui participent à une danse de la mort (mort de l’artiste qui crache le sang, mort de l’aide si précieuse accordée par le roi, absent, mort des illusions, mort du théâtre ?) dont l’espace clos du théâtre du Palais Royal (FabricA Avignon) sera le réceptacle !
Un réceptacle baroque. Olivier Py emprunte au courant littéraire pictural et politique du XVII° ses singularités dont la vanité. Vanité des décors dans leur flamboiement ocre rouge (éclairage à la bougie) vanité d’un public (certains visages poudrés rappellent les vieilles de Goya les masques d’Ensor ; le prétendu vivant devenu figure morte malgré les piaillements venimeux). Vanité et exubérance, exubérance et grotesque (sens étymologique et sens élargi) Oui! on a parfois l’impression d’assister à des scènes du Satyricon -dont celle du bain- (avec l’extravagance de Petrone mais sans la transparence énigmatique dont se réclamait Fellini)
Des acteurs admirables, étonnants dans leur gestuelle et leur diction ; dont le duo Laurent Lafitte (Molière) Jean-Damien Barbin (Chapelle)
Mais cette "chronique d’une mort annoncée" (pour plagier le titre d’un roman de Gabriel Garcia Marquez) aura ses détracteurs
On ne souscrira pas à leurs propos fielleux voire haineux
(même si le langage s'enhardit, ose des calembours faciles ou des pseudo paillardises, même si l’on juge de « mauvais goût » l’extinction d’une bougie par des flatulences -pratique qui a longtemps survécu dans les bizutages,) etc..
Vive Molière libéré de son carcan hagiographique !
Un Molière « dé-muséifié et réhumanisé (propos de Laurent Lafitte sur France Culture)
Colette Lallement-Duchoze