3 février 2024 6 03 /02 /février /2024 07:11

de Jonathan Glazer ( 2023 USA Pologne)

 

avec Sandra Hüller (Hedwig Höss) Christian Friedel (Rudolf Höss)  Johann Karthaus (Klaus Höss)

 

 

Adaptation du roman homonyme de Martin Amis

Musique Micachu (Mica  Levi chanteuse et compositrice anglaise)

Grand prix du jury Cannes 2023

Prix FIPRESCI (fédération internationale de la presse cinématographique)

Prix CST de l’artiste technicien (pour Johnnie Burn montage son et sound design) (CST= décerné par la commission supérieure technique de l’image et du son)

 

 

Argument: Rudolf Höss est responsable du camp d’Auschwitz. En marge de ses obligations professionnelles il mène un vie familiale paisible. Sa femme soigne ses fleurs et houspille les domestiques. Ses enfants s’ébattent au soleil. Et par-delà le mur du magnifique jardin s’opère l’extermination

La zone d'intérêt

Film glaçant magistral etc. un concert de louanges accompagne la sortie en salles du film qui a obtenu le Grand prix du jury Cannes 2023

Effectivement le tout début est à la fois déroutant et « glaçant » Voici un écran noir (pendant  plus de 3 minutes, alors qu’on entend la musique distordue et stridente de la compositrice Mica Levi)  Ne rien voir mais tout entendre (premier message.?)

Et quand la lumière inonde l’écran, voici en surplomb une scène champêtre (on devine les corps à moitié nus) la caméra s’approche (plan d’ensemble puis plan rapproché )  avant le plouf dans l’eau. C’est la famille Höss . Et nous allons la suivre au quotidien dans sa résidence, havre bucolique, havre de paix, jouxtant  le camp d’Auschwitz…dans une « zone d’intérêt » . Auschwitz restera hors champ (un mur de « séparation » , des panaches de fumée noirâtre, le passage d'un train, on devinera des marches, des coups de feu, des cris , grâce au dispositif sonore très bruitiste) Le mal palpable par le leitmotiv du contraste, ou la focalisation sur des détails, n’a aucune répercussion sur cette famille de nazis, (nazis qui le commandent et l’exécutent (Rudolf accorde plus de crédit et d’amour à un cheval) . Et la scène finale (en écho à la toute première) est censée participer elle aussi à (et de) l’enfermement (du spectateur)

Accompagner une famille « normale » dans la banalité de son quotidien, mais percevoir l’horreur qu’elle ne perçoit pas (donc provoquer le frisson) tout comme l’extrémité du déni Telle est la revendication affichée du réalisateur. Une telle démarche est bien aux antipodes de l’approche immersive et terriblement efficace du Hongrois Lazslo Nemes -le Fils de Saul 2015 où la caméra faisait presque corps avec un membre du Sonderkommando …Le fils de Saul - Le blog de cinexpressions

Pari réussi ? on peut en douter…Certes le dispositif visuel et sonore est prodigieux, nul ne saurait le contester.(prédilection pour le rectiligne, les plans en plongée,  cloisonnement suggéré par les "portes" , installation de moult caméras ,  puissance souvent déflagratoire de la bande-son)  Mais force est de constater que le "programme"  subtilement annoncé dans les deux premières scènes, - leur confrontation-,  va s’épuiser assez (trop ?)  vite. Et ce ne sont pas ces très gros plans sur ces fleurs dont le rouge sang vous gicle au visage, encore moins ces séquences en « négatif » où l’on devine une jeune fille- de la résidence-,  venir en aide aux prisonniers en cachant des pommes comme le petit poucet ses cailloux, ni la remarque cinglante d’Hedwig à son employée juive, ni le départ précipité de la mère, (on pourrait multiplier les exemples) qui vont créer ou accentuer le malaise recherché. On a l’impression d'assister à une accumulation de mini séquences, de tableautins (impeccablement filmés) au symbolisme ( ?) lourd pour ne pas dire  « obscène » :- les dents - osselets pour un jeu, les robes, les cendres des fours utilisées pour la fermentation, l’accélération de la floraison des roses, la découverte dans la rivière de…(ne pas spolier) qui exigera une toilette vigoureuse. Le comble est atteint avec cette longue séquence où Rudolf n’en finit pas de descendre des marches (il a été transféré, récompensé pour ses bons et loyaux services, devenu superviseur de l’ensemble des camps d’extermination, mais il reviendra à Auschwitz car son successeur avait fait baisser le « rendement » …) le spectateur est-il entraîné dans les abymes du Mal (?), un mal qui habite Rudolf dévoré par son « travail » et qu’il ne parvient pas à vomir ? Et par un astucieux changement de perspective (et de regard) (cf l'œilleton d'une porte fermée) voici par anticipation, la muséification du lieu qui abrita le Mal (Auschwitz un lieu de la mémoire, un lieu à « entretenir » sens propre et figuré)

Et si ce film était, par-delà la  fiction aux allures de documentaire parfois, une mise en garde contre des idéologies actuelles, prégnantes et insidieuses tout à la fois ??


 

 

Colette Lallement-Duchoze

 

 

 

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commentaires

S
Robert Merle a excellemment décrit cette banalité du mal dans "La mort est mon métier" histoire romancée de Rudolf Hesse.(en poche folio). A lire absolument.
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