De Kei Ishikawa (Japon 2022)
avec Satoshi Tsumabuki, Sakura Ando, Masataka Kubota
Japan Academy Prize 2023, A man a obtenu les prix du meilleur film, du meilleur réalisateur pour Kei Ishikawa , du meilleur scénario pour Kôsuke Mukai, du meilleur acteur pour Satoshi Tsumabuki, des meilleurs actrices et acteurs secondaires, du meilleur montage et du meilleur son
Trentenaire endeuillée, Rie rencontre Daisuke artiste en herbe. Ils tombent amoureux et fondent une famille mais au décès de Daisuke Rie apprend qu'il avait usurpé l'identité d'un autre homme. Elle engage un avocat pour connaître la véritable identité de celui qu'elle aimait.
Adapté d’un roman éponyme, le film de Kei Ishikawa, est " encadré" (premier et dernier plan) par le tableau de Magritte « la reproduction interdite » (un personnage se regarde dans un miroir, or le miroir ne reflète pas son visage mais son dos ! alors qu’un livre posé sur la cheminée lui est bien reflété dans le miroir): Tableau dans le cadre du premier plan, avant qu’un zoom ne l’isole ; métaphore ou mise en abyme de ce qui sera le questionnement sur l’identité, l’un et le multiple (et partant sur la transmission, l’héritage) ???
Voici tout d’abord une romance sentimentale. Celle qui aura uni une jeune femme Rie divorcée (épatante Sakura Andô) et Daisuke un timide dessinateur (Masataka Kubota) -(ses dessins comme floutés seront de précieux auxiliaires lors de l'enquête) ; romance traitée avec une lenteur , pudique et calculée, et cette audacieuse ellipse temporelle . Un plan d’ensemble sur la famille recomposée heureuse avant le tragique accident (mais quelle incongruité sidérante dans son traitement !!….).Or la photo du défunt sur l’autel de famille ne correspond pas du tout au « vrai » Daisuke Taniguchi (comme l’affirme le « vrai » frère) Rie engage un avocat (Satoshi Tsumabuki) sur les traces de … X ; le film va basculer dans cette « chasse à l’homme », la traque des identités
De rebondissements en rebondissements, d’indices en indices plus ou moins révélateurs, de rencontres en rencontres, d’interrogatoires en interrogatoires le cinéaste brimbale son spectateur et cherche à le perdre dans une démarche qui se veut dédaléenne, en variant rythme et ambiances, en multipliant les « fausses » pistes, pour aboutir à la découverte d’un inconnu qui aura porté plusieurs noms.
Simultanément l’enquête est devenue quête de soi (et ce dès que l'avocat entre dans le cadre ,dans la fiction ne serait-ce que par la façon de le filmer de dos comme les personnages magrittiens) et les « crises » (éructations gifles qui contrastent avec son apparente placidité) vont scander cette prise de conscience ; parallèlement le fils aîné de Rie est déboussolé car il est privé de patronyme : lui qui avait porté le nom de son père géniteur puis celui de sa mère divorcée puis celui du père adoptif, quelle sera sa « nouvelle » identité (état civil) ?
Certes ce film interroge sur ce qui fait « un homme » (l’article un dans son acception usuelle d’indéfini et non de singularité) c’est-à-dire sur les facteurs qui conditionnent l’identité de tel ou tel, de même qu’il insiste sur la pression sociale, sur l’intégration, les faux-semblants et les secrets ; un film qui joue avec le « brouillage » (à l’instar des dessins signés Daisuke ?) ; certes les protagonistes dits « secondaires » bénéficient d'une égalité de traitement (du professeur de boxe au détenu pour trafic falsification de documents, en passant par la petite amie du vrai Daisuke ). Certes le racisme japonais -à l’encontre des Coréens entre autres- est vigoureusement dénoncé (propos xénophobes du détenu, manifs et slogans nationalistes)
Mais que de surenchère complaisante !! Que d’étirements inutiles !! (pour preuve: la (es) « découverte(s) » d’un nouvel indice, d'une preuve est (sont) longuement illustrée(s) – sous forme de flashback -, à coups d’hémoglobine de gnons et de prétendus suspenses)
Dommage !!!
Colette Lallement-Duchoze