14 janvier 2024 7 14 /01 /janvier /2024 06:40

de Helena Girón et Samuel M. Delgado  (Espagne 2021)

 

avec Xoán Reices, Valentín Estévez  David Pantaleón  Sara Ferro Nuria Lestegás

 

Mostra de Venise 2021 semaine internationale de la critique

Argument:  1492. Parmi l'équipage dirigé par Christophe Colomb voyagent trois hommes condamnés à mort. Ils ont réussi à éviter leur triste sort en participant à ce voyage incertain. Lorsqu'ils atteignent les îles Canaries, ils s'enfuient, emportant avec eux une des voiles du navire. Pendant ce temps, dans le "Vieux Monde", une femme tente de sauver sa sœur mourante en l'amenant chez une guérisseuse

Un corps sous la lave (eles transportan a morte)

C’est à une expérience visuelle plastique et sonore que nous convient les deux réalisateurs ! 

Il faut se laisser habiter, se laisser transporter par ce film contemplatif. Oui essentiellement contemplatif même si les éléments naturels (forces vives de l’océan,  forces éruptives des montagnes volcaniques) déversent leur puissance, leur incandescence , leurs tourbillons incendiaires (accompagné.es par une bande-son prestigieuse).

Et la caméra grâce à certains effets fait s’évanouir en une confondante unité les êtres humains  (en les filmant de dos) et une nature qui les absorbe, comme si les vivants allaient se fondre dans le néant !.

Lenteur du rythme, dialogues minimalistes,  à la parole les deux réalisateurs préfèrent un travail élaboré sur l’image, laquelle va transformer le paysage en un authentique personnage.

Voici apparemment deux "histoires" en montage  parallèle  (cf. le synopsis) (On apprendra à demi-mot  ce qui les relie quand l'aînée  tente de "justifier" le suicide de sa jeune sœur, l'Abandonnée ..)  Certaines scènes se font écho : la lutte sous l’eau avec le drapé de la voile confisquée par les trois « fuyards » et le drapé qui va couvrir tel un linceul le corps de la jeune femme après sa tentative de suicide ; à la marche dans les escarpements et anfractuosités des roches des premiers répond celle de la sœur aînée à travers les hautes herbes, en quête d’une guérisseuse ; aux pauses des trois hommes mâchant quelque biscuit de survie ou s’aspergeant le visage d’une eau lustrale répond la main vigilante, avec en son creux une eau salutaire, - la sœur aînée caresse le visage, les lèvres de la jeune femme qui agonise. L’âne porteur, compagnon tutélaire des femmes, est aussi le lien entre le chthonien et l’apollinien ! 

L’apparente binarité ne saurait exclure une même réflexion sur le temps, la mort, Et sur notre propre finitude ! Le film se pare ainsi d’une portée universelle ; la lutte des trois hommes et des trois femmes pour leur survie c'est aussi la nôtre !  La voix off vers la fin du film en s’adressant directement aux forces chthoniennes, aux laves dissimulatrices,  le dira plus explicitement. (ô combien de mort.es  enseveli.es à jamais sous la lave!!) 

Le choix de 1492 n’est pas anodin et le long métrage acquiert une dimension politique non négligeable -la conquête d’un monde nouveau, mythifiée, exhaussée en légende, avait honteusement bafoué les règles élémentaires de la morale et de la justice… Dont acte ! 

 

Un corps sous la lave!  Une méditation  sur le Temps, Une œuvre poétique (dans toutes les acceptions de ce terme) belle dans son intransigeance même !

A ne pas rater !

 

Colette Lallement-Duchoze

 

Un corps sous la lave (eles transportan a morte)

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