de Cédric Khan (2023)
avec Denis Podalydès, Jonathan Cohen, Souheila Yacoub, Stefan Crepon, Emmanuelle Bercot
Simon, réalisateur aguerri, débute le tournage d'un film racontant le combat d'ouvriers pour sauver leur usine. Mais entre les magouilles de son producteur, des acteurs incontrôlables et des techniciens à cran, il est vite dépassé par les événements. Abandonné par ses financiers, Simon doit affronter un conflit social avec sa propre équipe. Dans ce tournage infernal, son seul allié est le jeune figurant à qui il a confié la réalisation du making of.
Bienvenue dans le monde merveilleux du cinéma dit l'affiche
Surtout ne pas prendre à la lettre ce pseudo slogan publicitaire …C'est une antiphrase
Plus qu’un film sur le tournage d’un film (c’est le sens littéral de making of) le dernier opus de Cédric Khan est aussi un film mise en abyme (d’ailleurs à un moment Diana se moque du jeune récemment embauché, il faillit à sa tâche en faisant un film « sur le cinéaste » et non « sur le tournage »). Film gigogne Making of ou l’histoire du film d’un film dans le film et à chaque fois trois points de vue, trois formats d'images, trois tonalités. Des « manières de voir » (fonction de l’image) donc mais qui vont de pair avec des situations de « travail » (les ouvriers du film, toute l’équipe de tournage, le jeune dont les rêves se concrétisent dans son making of) et que Cédric Khan met en étroite relation avec des « situations » -réelles filmées fantasmées- dans un jeu de « pistes » mais dont le questionnement permanent est bien le rapport entre le « réel » et sa « représentation » lequel se double de problématiques annexes, multiples en leur arborescence,; certaines sont « vitales » eu égard à la survie du film .
Avec un mélange de burlesque ( limite pantalonnade parfois) et de sérieux (les affres du réalisateur ses problèmes de santé et de couple) un tempo qui fait alterner séquences trépidantes et scènes plus « intimes », making of se plaît à jouer sur les « effets miroir » : au moment du tournage du film sur une lutte sociale, le cinéaste (admirablement interprété par Denis Podalydès) est confronté aux mêmes problèmes que ceux vécus par les ouvriers du film …dont certains d’ailleurs interprètent leur propre rôle !!!. A la question cruciale « poursuivre ou non la lutte quand on ne touche pas un centime » accepter ou non la prime -de survie- proposée par le patronat, fait écho « continuer à tourner sans « cachets » sans indemnités, accepter de "travailler gratuitement" ?
Cédric Khan met en exergue certains clichés? (producteur mytho, acteur vedette égocentrique -cf les vitupérations de Diana à son encontre) Oui mais n’est-ce pas pour mieux les « incorporer » au film en fabrication sur le film ? où domineront en permanence le financement du projet (course contre la montre), le respect ou non du scénario initial (cf les discussions avec les tenants de la rentabilité à tout prix exigeant une fin « optimiste ») et les histoires personnelles. Trois problématiques qui s’entrelacent avec équilibre grâce au travail de montage (Yann Dedet)
Un film que je vous recommande même si Cédric Khan occulte (délibérément ?) un enjeu bien réel - qui a existé bien avant « l’affaire Depardieu »- à savoir les violences sexistes et sexuelles sur les plateaux de tournage… Il se contente d’un « vague clin d’œil »
Colette Lallement-Duchoze