de Lillah Halla (Brésil 2023)
avec Ayomi Domenica, Loro Bardot, Grace Passô
Présenté à Cannes 2023 Semaine de la Critique Prix Fipresci 2023 - Section parallèles
Festival Biarritz Amérique latine Abrazo du meilleur film.
Argument: Sofia, jeune et prometteuse joueuse de volleyball, fait partie d’un club inclusif féminin – comme il en existe peu – du nom de Capão Leste. Toutes les joueuses sont issues de la communauté LGBTQI+ et forment une équipe très soudée. Un jour, Sofia est repérée par un centre de formation professionnel chilien. Enthousiasmée par cette nouvelle susceptible de changer sa vie, elle est plus motivée que jamais. Elle découvre alors qu’elle est enceinte. L’avortement étant illégal au Brésil, Sofia cherche par tous les moyens à interrompre sa grossesse. Elle devient la cible d’un groupe fondamentaliste bien décidé à l’empêcher d’arriver à ses fins
Lillah Halla, réalisatrice queer, féministe, va dans ce premier long métrage non seulement tordre le cou à certains préjugés, mais mettre toute son énergie à combattre la peur "paralysante". Tourné non sans difficultés, en 2022 alors que Bolsonaro est encore au pouvoir et qu’il avait légitimé toutes les violences dès janvier 2019, son film engagé va démontrer que le collectif est l’arme contre le fascisme en s’attaquant presque frontalement à un sujet tabou : l’avortement
Quelle vitalité ! quelle solidarité énergisante ! Et tout dans ce film (rythme et tempo couleurs musique) illustre l’audace ! en harmonie d’ailleurs avec la polysémie du titre « levante » (soulèvement/insurrection, mouvement au volley qui consiste à propulser le ballon vers la partie adverse ou encore plante aux propriétés énergisantes). Voici Sofia (étonnante Ayomi Domenica) une jeune métisse bisexuelle, volleyeuse talentueuse, qui, enceinte, décide de se faire avorter. Or l’IVG est illégale au Brésil, -rappelons que l’avortement clandestin est la 5ème cause de la mortalité féminine dans ce pays !!!- Dans son épreuve-calvaire elle aura le soutien sans faille de son équipe inclusive de volleyeuses, et celui d’un père bienveillant et compréhensif. En face d’elle, des cliniques faussement abortives, les pressions des mouvements pro-vies, et des sectes religieuses, et jusqu’aux regards méchamment réprobateurs de voisins qui préfèrent leur douillet chez soi en s’y calfeutrant ; une dénonciation qui n’évite pas -par moments- les pièges de la caricature (cf le personnage très -trop- stéréotypé de cette femme militante fondamentaliste)
Flamboyante cette équipe inclusive ! gros plan sur un crâne rasé, des mèches roses, des aisselles velues, un ventre qui frétille, une langue qui lèche avec avidité. Ces volleyeuses se contrefoutent hardiment d’être cis, trans tout comme dans la bonne humeur, elles se contrefoutent des normes (le ton était donné dès la scène d’ouverture, exaltation de la complicité du chapardage , dans une pharmacie, médocs hormones test de grossesse,...) (à noter qu’au vestiaire le mot femmes est raturé et remplacé par le pronom "iels") .Un cinéma autre qui proposerait la vision d’un Brésil moins sclérosé moins infernal pour les minorités c’est le vœu de Lillah Halla
Malgré certaines « lourdeurs » -dont le déplacement en Uruguay, le parallélisme métaphorique entre le « destin » de Sofia et celui des abeilles (le père est apiculteur) ou encore la récurrence de ces très gros plans sur des fragments de corps censés les magnifier - Levante a au moins le mérite de rendre visible ce qui est intolérable ; or n’est-ce pas un moyen efficace pour combattre l’intolérable ?
Colette Lallement-Duchoze