18 décembre 2023 1 18 /12 /décembre /2023 07:53

de Felipe Gálvez  (Chili 2023)

 

avec Camilo Arancibia (Segundo), Mark Stanley (MacLennan), Benjamin Westfall (Bill), Alfredo Castro (Menéndez), Marcelo Alonso (Vicuña), Sam Spruell (Martin), Mishelle Guaña (Kiepja).

 

Prix Fipresci - Un Certain Regard à Cannes 2023

 

synopsis: Terre de Feu, République du Chili, 1901. Un territoire immense, fertile, que l’aristocratie blanche cherche à « civiliser ». Trois cavaliers sont engagés par un riche propriétaire terrien, José Menendez, pour déposséder les populations autochtones de leurs terres et ouvrir une route vers l’Atlantique. Sous les ordres du lieutenant MacLennan, un soldat britannique, et d’un mercenaire américain, le jeune métis chilien, Segundo, découvre le prix de la construction d’une jeune nation, celui du sang et du mensonge

Les Colons

Vos troupeaux sont maintenant si voraces qu’ils dévorent les hommes." (Thomas Moore cité en préambule) 

Le problème, ce sont les Indiens. Ils mangent les troupeaux. Ouvrez-moi une route sûre et rapide vers l’Atlantique pour mes moutons » (Menendez riche propriétaire terrien) 

 

 

Un mouton isolé, égaré dans l’immensité c’est le plan d’ouverture ; un gros plan prolongé sur le visage de l’Indienne (qui refuse d’obtempérer) c’est le plan final. Entre les deux l’histoire -en plusieurs actes- d’un génocide. Celui des autochtones au Chili, début du XX° siècle, les Selk’man appelés Onas par les Blancs. Ces deux plans qui encadrent le film,  en un saisissant raccourci mettent précisément en exergue les deux aspects de la colonisation (accaparement des terres, assimilation forcée)

Une tragédie effacée de la mémoire collective chilienne? Le réalisateur a décidé de s’attaquer frontalement à ce  douloureux et déshonorant épisode d'un passé relativement proche. Car si l’île de Dawson, en Terre de Feu, a servi de camp d’extermination sous la dictature de Pinochet, elle fut auparavant le lieu d’un autre massacre D’où l’importance, pour comprendre notre histoire récente, de remonter plus loin, au temps de la colonisation des terres indiennes (rappelait  Felipe Gálvez lors de l'avant-première le 17/12)

 

Le format 4,3,  le rouge (pour annoncer chaque partie dont  ‘le cochon rouge’, ‘le roi de l’or blanc’ ‘le métis’), la musique signée Harry Allouche, qui mitraille de ses percussions,  et aux accents morriconiens parfois,  les clins d’œil au western, le mélange de personnages ayant réellement existé dont José Menendez (cf les archives du générique de fin) et d’autres de pure fiction, l’alternance entre les séquences nocturnes (où l’écran s’embrase du rougeoiement du feu alors que les chevaux piaffent dans leur pré-science du danger), et celles où les trois hommes chevauchent, souvent en file indienne, sur ces « terres vierges » jusqu’à ce « bout du monde »,  cette autre alternance entre les très gros plans (l’œil des chevaux, le visage du métis) et les vues panoramiques sur les vastitudes, et surtout l’omniprésence de la violence, une violence crue ou suggérée (un ouvrier manchot devenu inutile tué à bout portant, l’extermination des Indiens suggérée par le bruit des armes avant que les corps morts ne soient alignés, les relations maître/esclave ; une violence inouïe qui précisément contraste avec la beauté plastique du paysage)

Oui tout cela contribue à faire des Colons une charge efficace et sans compromission. Felipe Gálvez sait montrer du doigt les coupables, en adoptant le point de vue des Colons, (le choix d’un Ecossais, vétéran de l’armée britannique comme personnage principal  et flanqué d’un mercenaire américain au racisme primaire, n’est pas innocent) ; il sait que la responsabilité se tapit aussi dans le silence et l’indécision (Segundo), et il aura démontré avec une sobriété -souvent- exemplaire comment une société a eu l’outrecuidance de se bâtir sur l’extermination d’un peuple - la dernière séquence est à cet égard très éloquente

Un film à voir de toute urgence !!

 

Colette Lallement-Duchoze

Les Colons
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