de Dragomir Sholev (Bulgarie Roumanie 2021)·
avec Deyan Donkov, Suzy Radichkova et Valentin Andreev
Prix de la Critique internationale au Festival international du film de Sofia 2022
A voir sur Arte -arte kino festival 2023- jusqu’au 31 décembre; il suffit de s'inscrire Votez pour vos films - ARTE Kino
Argument: La tranquillité d’un camping proche de la mer Noire est troublée le jour où Ivo, le manager, découvre un dauphin mort sur la plage. Il remarque des traces de balles sur l’animal et décide de prévenir les autorités. Toutefois, ces dernières ne peuvent pas, ou tout simplement ne veulent pas, prendre cette affaire en main. C’est alors que d’une manière ou d’une autre, tous les clients du camping se retrouvent peu à peu impliqués dans cette affaire.
Un énième dauphin échoué. Une mort qui engage la responsabilité de l’homme ? Empoisonnement dû aux eaux polluées ? "Braconnage" ? - Yvo le gérant du camping a décelé des traces de balles !! Mais après de pseudo enquêtes – dont certaines volontairement bâclées- et une autopsie pratiquée en plein air par des " bouchers en herbe" on conclura à " la mort par noyade".....…
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Le réalisateur a fait le choix d’un problème environnemental - qui s’inspire d’ailleurs de faits réels- pour en faire l'arête dorsale (sens propre et figuré ) de Fishbone, afin de donner une portée universelle à son film (ce qui n’exclut pas d’autres problématiques)
Métaphore (ou allégorie) de la stratégie de l’évitement pratiquée en haut lieu, du dysfonctionnement du "vivre ensemble" dans une communauté ? Ce qu’illustre(rait) la prolifération de personnages, qui se détachent dans la juxtaposition par mosaïque de micro-histoires, personnes directement concernées ou qui progressivement vont se sentir impliquées : gérant du camping, police, organismes de la santé, écologistes, vacanciers , gitans
Le film s’ouvre dans une atmosphère bleutée, -à mi-chemin entre la nuit et l’aurore, sur la présence d’un couple âgé nu en bord de mer ; ce couple évoque un renard tué enterré qui les hante par-delà sa mort ; il continuerait à les observer (en écho ce très gros plan sur l’œil du dauphin, et un indice pour le choix de focalisation : qui regarde et quoi ?) ; un serrement, un serment d’amour « je ne pourrais vivre sans toi je veux partir le premier. Si tu pars, qui me préparera mon thé ? ….A cette scène inaugurale répondra au final une scène d’intérieur avec les mêmes personnages dans leur mobil home : la femme préparant le thé !!!!… Entre ces deux "moments" nous aurons vu défiler des saynètes souvent savoureuses, et certaines sont ciselées telles des vignettes de BD, annoncées non pas par des identités propres mais par une " fonction", un détail, une action spécifiques, et loin d’être cloisonnées elles s’intègrent -telles des arêtes secondaires- à l’architecture d’ensemble. Chaque histoire (9 au total certaines revenant à intervalles réguliers) dévoile une problématique particulière, histoires modestes d’individus ordinaires, ou commentaires déliés sur des faits antérieurs (la prison 11 ans pour un crime …avoué sous la torture, l’attentat qui a coûté la vie des proches de cet enquêteur à la retraite) ou à venir (cette épouse qui ne "supporte" plus son mari, l’accouchement de la « compagne » du gérant) ou constats amers sur les pannes d’électricité, sur l’entretien de la plage, sur les odeurs pestilentielles, sur la paperasserie administrative
Faisant corps avec l’arête principale ces micro histoires sont nécessaires à la structure d’ensemble et aux thématiques abordées sans l’une d’entre elles la construction s’effondre (propos du réalisateur). La récurrence d’un duo (d’abord deux femmes, puis deux policiers puis deux gitans représentant deux générations) tractant en ahanant le cadavre du dauphin afin qu’il rejoigne les siens dans une sépulture de forêt !!, l’interrogatoire du photographe (premier cliché sur la mort du cétacé !) un personnage sans domicile fixe qui a fait le choix d'une vie de solitaire, sont riches d’interprétations narrative et symbolique
Fishbone ! un film qui se singularise par sa structure originale, son mélange de réalisme et d’absurde, son humour pince-sans-rire et décalé (incarné surtout par cet inspecteur à la retraite, imposteur ou fou pensant ?) son naturalisme dévié (cf la famille assise sous un parasol s’interrogeant sur la présence saugrenue d’une gamine, la mère évoquant un avortement alors que le père bedonnant reste placide)
Fishbone un film à ne pas rater
Colette Lallement-Duchoze