9 décembre 2023 6 09 /12 /décembre /2023 07:20

de De Ladj Ly (2023)

 

: Avec Anta Diaw (Haby), Alexis Manenti (Pierre Forges), Aristote Luyindula (Blaz), Steve Tientcheu (Roger Roche), Aurélia Petit (Nathalie Forges), Jeanne Balibar (Agnès Millas),...

 Musique : Pink Noise

Argument: Haby, une jeune femme très impliquée dans la vie de sa commune, découvre le nouveau plan de réaménagement du quartier dans lequel elle a grandi. Mené en catimini par Pierre Forges, un jeune pédiatre propulsé maire, il prévoit la démolition de l'immeuble où Haby a grandi. Avec les siens, elle se lance alors dans un bras de fer contre la municipalité et ses grandes ambitions pour empêcher la destruction du bâtiment 5.

Bâtiment 5

Comme pour Les Misérables (prix du jury Cannes 2019) Ladj Ly part de faits réels, de son « vécu » (il a grandi à Montfermeil) ; en "cartographiant les cités populaires de banlieue " il  en dénonce la « politique » (ou plutôt l’absence de politique -ou son échec?). Bâtiment 5 situe le cadre à Montvilliers ; bien qu’imaginaire cette ville doit contenir toutes les spécificités des villes du même acabit, confrontées au chômage, à la vétusté des locaux, à la corruption de certains administrateurs, au trafic, à la colère latente prête à exploser.

La séquence d’ouverture – transport d’un cercueil par la cage d’escalier plus que branlante -l ’ascenseur étant en panne- dit explicitement les incommodités  "matérielles" et implicitement l’indécence face à la mort. Puis nous assistons en direct à la mort du maire qui venait de déclencher avec pompe et fracas le dynamitage d’un autre immeuble.

Ces immeubles construits dans les années 60 (rappelez-vous ce roman de Christiane. Rochefort « les petits enfants du siècle » son regard ironique et acéré sur le quotidien dans les blocs) rendent l’âme ; moribonds ils « contiennent malgré tout la mémoire d’une histoire de ségrégation sociale ». Leur destruction est-elle synonyme d’enfouissement définitif ? tel est un des enjeux de ce film. Ce que découvre le nouveau maire (lors d’une visite avant d’acter la destruction et de procéder à l’évacuation  à peu de frais du Bâtiment 5) à savoir  l’existence d’une autre société que la sienne…rappelle étrangement les « trouvailles » de certains archéologues interrogeant des vestiges :.Le plan aérien sur ce bâtiment -au tout début- puis après l’évacuation un plan audacieux circulaire sur le même bâtiment inhabité, désossé, devenu carcasse (les meubles ont été jetés par les fenêtres, objets inanimés avez-vous donc une âme ???) illustrent la manière dont le cinéaste  "appréhende"  l’histoire de ces blocs, ces douloureux témoins de la vie, d’une vie injuste indigne le plus souvent !!! Bâtiment 5 ou la fin d’un monde ?

 

Un film à mi-chemin entre documentaire et fiction, tout aussi explosif et puissant que le précédent - montage très nerveux, caméra au poing qui filme au plus près, sensationnalisme parfois qui va "sonnant"   tel un uppercut -; mais il est vrai que l’effet surprise qui avait prévalu en 2019 et qui avait littéralement   "saisi"  le public, est forcément émoussé

Un notoire changement de curseur : le personnage principal est une jeune femme militante (impressionnante Anda Diaw). Et son rôle de modérateur (elle comprend la colère de Blaz mais ne cédera pas à son radicalisme ni à la loi du talion) écarte de facto une vision manichéenne ; non il n’y a pas deux blocs opposant les  "méchants" -dont le maire retors, excellent Alexis Manenti- et "les bons " ces victimes innocentes, parquées dans l’indignité. Si le clivage existe, Haby lutte précisément pour éviter sa transformation en manichéisme prosaïque et complaisant, manichéisme attendu précisément par tous ceux qui le  " dénonceraient"; elle lutte pour la dignité (trop longtemps bafouée) 

 

(On admettra toutefois que le choix de Noël pour une évacuation bien  "virile"  et inhumaine fait de Bâtiment 5 un  "conte"  où l’ironie serait tapie dans l’antiphrase ?)

 

Colette Lallement-Duchoze

 

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