d'Helena Klotz (France 2023)
avec Claire Pommet, Niels Schneider, Sofiane Zermani, Anna Mouglalis, Grégoire Colin et avec la participation de Mathieu Amalric
48ème festival de Toronto
Jeunes regards : 32e édition du Festival du Film de Sarlat
Jeanne a 24 ans. Elle vit dans une caserne en banlieue avec son père gendarme, son petit frère et sa petite sœur. Elle a fait le pari de réussir sa vie dans le monde de la finance. Pas pour la gloire ou le luxe, mais parce que c’est le moyen qu’elle a trouvé pour gagner sa liberté.
Nous suivons une motarde, cadrée de dos en plan large, puis voici son reflet devant une vitrine de costumes de luxe, étrangement il se confond furtivement avec celui du mannequin !!! vitrine fracassée, éclats de verre incrustés tels des stigmates, costume volé : en quelques plans rapides le prologue de la vénus d’argent encode le film: changer de « classe » sociale, s’en approprier les nouveaux codes (ici l’uniforme à la fois marque distinctive et anonymat), sangler des signes extérieurs de « genre » (poitrine) Et de fait Jeanne Francoeur (étonnante Claire Pommet, dite Pomme, pour son premier rôle à l’écran) est une sorte de « geek androgyne partagé(e) entre deux milieux : d’une part la caserne -où exerce le père- avec cette récurrence de mini bataillons chantant la Marseillaise, appartement exigu où la passion des maths s’exerce en même temps que la fonction de grande sœur maternante-, et le milieu de la finance d’autre part à la Défense - univers glacial de l’enfermement la performance le machiavélisme l’éviction
Tels sont les deux mondes, masculins, les deux univers d’armes de destruction massive que côtoie ce « chevalier queer des temps modernes avec l’intention sinon de « dominer » du moins de maîtriser, le second. C’est bien d’être ambitieuse mais tu sais comment on appelle le point le plus haut de l’Everest ? La zone de la mort dira son supérieur Farès au profil de requin (Sofiane Zermani)
Le titre d'ailleurs, -référence à la statuette figure de proue des Rolls-Royce-, résonne -et c’est presque un truisme-, comme un écho à l’univers du trading et de la finance internationale
Hélas le film ne tient pas le pari (asséné à coups de gros plans réitérés sur la blessure, sur le visage le regard) car le parcours initiatique de la jeune femme en achoppant sur le bloc de l’immanence glaciale, se heurte à tous les clichés –le monde de la finance aux couleurs métalliques bleutées est sera et restera simple décor ; l’autre « quotidien » et sa «romance biaisée» (rappel d’une relation sexuelle non consentie) est lui aussi si empreint de stéréotypes qu’il ne peut emporter l’adhésion
Bémols : mention particulière à Anna Mouglalis cette femme gardienne d'un monde ancien, le hiératisme des gestes et la raucité de la voix comme clins d’œil à Maria Casarès dans Le Testament d'Orphée ?
Sans oublier certains partis pris musicaux ( d’Ulysse Klotz) en décalage avec les images
Colette Lallement-Duchoze