de Tran Anh Hung (France 2023)
avec Juliette Binoche, (Eugénie) Benoît Magimel (Dodin) Galatea Bellugi (Violette) Emmanuel Sallinger (Rabaz) Patrick d'Assumçao (Grimaud ) Jan Hammenecker (Magot)
Prix de la Mise en Scène Cannes 2023
Argument: Eugénie, cuisinière hors pair, est depuis 20 ans au service du célèbre gastronome Dodin. A force de passer du temps ensemble en cuisine, une passion amoureuse s’est construite entre eux où l’amour est étroitement lié à la pratique de la gastronomie. De cette union naissent des plats tous plus savoureux et délicats les uns que les autres qui vont jusqu’à émerveiller les plus grands de ce monde. Pourtant, Eugénie, avide de liberté, n’a jamais voulu se marier avec Dodin. Ce dernier décide alors de faire quelque chose qu’il n’a encore jamais fait : cuisiner pour elle.
Elle cueille avec délicatesse des légumes; sa main experte lacère à peine la terre féconde du potager, (scène d’ouverture) Chapeautée, robe longue, elle (Eugénie) va pénétrer dans le « saint des saints » cette immense cuisine aux couleurs mordorées réceptacle d’une liturgie. En effet chaque geste, chaque posture, chaque déplacement est comme théâtralisé dans une sorte de dilatation du temps. Les crépitements, les rissolements, le bouillonnement d’une marmite, la lame qui cisèle une herbe, le raclement d’une cuillère seront l’accompagnement musical et pendant presque 20 minutes nous assistons à la métamorphose des produits, à leur transformation (alchimique ?) dans une circulation d’odeurs et de regards ; seule séquence au rythme assez rapide au service d’une chorégraphie millimétrée.
Une autre séquence apparemment plus « bavarde » -où maître Dodin fait goûter une sauce à la jeune apprentie, qui doit en retrouver tous les ingrédients et à chaque élément répertorié, voici la sauce « recomposée » à l’écran - serait comme une mise en abyme de ce film sur « l’art de la gastronomie », un « art total » (visuel sensuel, tactile, musical)
Ce sont les deux seules séquences qui auront trouvé grâce à mes yeux dans ce film librement adapté du roman de Marcel Rouff. Film soporifique par moments!!
Quand Benoît Magimel doit identifier une recette il donne l’impression désagréable de « réciter » de même quand il doit s’exprimer en une langue assez boursouflée ou du moins pontifiante (on ne peut s’empêcher de comparer avec d’autres acteurs bien plus à l’aise en des circonstances similaires)
Quand la passion de Dodin pour l’art culinaire se double d’une passion pour Eugénie sa cuisinière depuis 20 ans, pourquoi pas ? Mais à la condition expresse que ces « deux passions » n’en fassent qu’une, l’une fonctionnant grâce à l’autre (ce serait d’ailleurs le sens du titre « la passion de Dodin Bouffant ») or la symbiose n’est pas toujours opérationnelle
Quand une poire trône voluptueuse dans une composition qui rappelle une nature morte. Soit. Mais qu’au plan suivant c’est le corps nu vu de dos qui épouse les contours du fruit, c’est du kitch, l’apothéose du mauvais goût (quand bien même ce « tableau vivant » est vu ou fantasmé par Dodin)
Que ce film ait reçu le prix de la mise en scène au festival de Cannes 2023, on est en droit de s'interroger !!!
Serait-ce pour l’Apologie de l’artisanat, des recettes de nos terroirs et de la transmission des savoirs que ce film a été sélectionné pour les Oscars 2024 ? Images prisées - faciles à monnayer -, à l’étranger ?
Colette Lallement-Duchoze