de Vladimir Perišić (Serbie 2023)
Avec Jovan Ginic, Jasna Đuričić, Miodrag Jovanovic, Lazar Kovic, Pavle Cemerikic
Présenté à Cannes 2023 Semaine de la Critique
Prix Fondation Louis Roederer de la Révélation (pour Jovan Ginić )
Synipsis: Serbie, 1996. Pendant les manifestations étudiantes contre le régime de Milošević , Stefan,15 ans, mène dans le feu des événements sa propre révolution : accepter l’inacceptable, voir dans sa mère – porte-parole du parti au pouvoir – une complice du crime et trouver, malgré l’amour qu’il ressent pour elle, la force de la confronter.
1996 Belgrade. Elections municipales annulées par le parti socialiste au pouvoir. Ont-elles été frauduleuses ? C’est en tout cas le "prétexte" avancé par le parti pour éviter la victoire de l’opposition, la coalition libérale pro-européenne !!! Manifestations et répression !. Or c’est précisément ce que cherche(rait ?) à savoir Stefan dont la mère est membre et porte-parole du parti. A ses tentatives répétées, telles des suppliques, je veux te parler la mère oppose une fin de non-recevoir (je suis pressée, pas maintenant). Taraudé, rejeté par ses potes de lycée et après avoir compris les "mensonges" de sa mère, ce sera l’inéluctable…
Le film va illustrer cet itinéraire.
Dans la première séquence lumineuse (et qui sert de prologue), Stefan est à la campagne, chez ses grands-parents (cueillette de noix) Un plan panoramique sur une vaste étendue d’eau et sur une plaine, un environnement protecteur (même plan en écho inversé au final, de nuit…). De retour dans la capitale, sa position sera des plus inconfortables ; sans cesse en porte-à-faux (il y a ses amis sa copine d’un côté, et de l’autre l’amour, l’attachement à la mère. Le père ? Mensonge pour maquiller sa mort ? victime du régime ? on ne le sait pas mais on devine) . Morose hermétique il "se replie sur lui-même"
L’intérêt de ce film est précisément cette approche de la politique et le récit d’événements (souvent occultés) à travers la tension permanente que vit Stefan au quotidien. Lui qui est quasiment de tous les plans, la mine souvent renfrognée, le regard interrogateur, doit vivre un enfer intérieur. La séparation est là bien nette dans ce plan qui l’oppose allongé dans l’obscurité à sa mère en pleine lumière en train de rédiger un discours. Et d’ailleurs les protagonistes ne sont-ils pas souvent séparés dans le cadre par une vitre ?
Battements de cœur imperceptibles et pourtant pulsations qui balisent des lieux familiers (appartement, lycée, extérieurs) quand regard et comportements se métamorphosent (la douceur juvénile cède la place à la violence ténébreuse )
Lui la « petite remorque de la mère » si câline et autoritaire à la fois (étonnante Jasna Đuričić déjà vue dans « la voix d’Aïda de Jasmila Zbanic), va se « détacher» de cette « emprise ». Rupture avec l’univers sécurisant de l’enfance, la relation fusionnelle (œdipienne ?) avec la mère et perte de l’innocence, des illusions ( ?). Simultanément, sur le plan collectif, c’est la perte d’un pays, (la Yougoslavie ? la Serbie ?) politiquement dévoyé et déjà si « américanisé » -ce qu’illustreraient le mobilier de l’appartement ou encore cet intérêt que porte la mère Marklena (contraction de Marx et Lénine ??) à Madonna !!!
Survivre au pays perdu ?
Déjà on interprète l’internationale dans la dissonance…
Un itinéraire épitaphe à voir assurément
Colette Lallement-Duchoze