de Thomas Cailley (2023)
avec Romain Duris, Adèle Exarchopoulos,, Paul Kircher
Présenté au festival de Cannes 2023 Section Un certain Regard
Dans un monde en proie à une vague de mutations qui transforment peu à peu certains humains en animaux, François fait tout pour sauver sa femme, touchée par ce phénomène mystérieux. Alors que la région se peuple de créatures d'un nouveau genre, il embarque Émile, leur fils de 16 ans, dans une quête qui bouleversera à jamais leur existence.
"ce qui vient au monde pour ne rien troubler ne mérite ni égards ni patience." ( René Char) Ce propos que Paul cite plusieurs fois, semble corroborer celui du cinéaste invité pour l’avant-première dimanche 10/09 « mon film se déploie comme un monde qui se revitalise (sous-entendu la mutation génétique vers l’animal, apparemment étrange "troublante" est positive dans la mesure où elle " doit" poser les bases d’une autre société)
Faire un film à la fois fantastique et totalement ancré dans notre époque ; Parler du corps, de la différence, de la transmission, du monde qu’on a envie de léguer à nos enfants et plus largement de ce sentiment d’appartenance commune avec ce qui est vivant telle est l’intention du réalisateur (l’idée lui est venue par hasard quand en 2019, membre d’un jury à la FEMIS , il lit un scénario écrit par Pauline Munier ....qui sera d’ailleurs sa co-scénariste).
Partir de quelque chose d’organique de viscéral (le corps) puis mélanger les « genres » Et de fait dans ce film s’enchevêtrent plusieurs strates qui devraient être interdépendantes : la relation père/fils le « parcours croisé » de l’un et l’autre avec inversion des rapports de force, la découverte de la différence (celle de son propre corps d’ado, celle de l’humain mutant), une société qui va se « revitaliser » grâce à cette « diversité » mais avec ses querelles politiques internes sur l’acceptation ou non de l’altérité. Tout serait-il question de norme ? . La métaphore du film vaut pour tout ce qui est autre, différent (handicapés, migrants). Le questionnement authentique « comment vivre ensemble dans la diversité » induit le refus de l’exclusion.
Réalisme, fantastique, naturalisme et onirisme, tout va se mêler (Thomas Cailley refuse le sensationnalisme facile de l’épouvante pustuleuse, ou de nez verruqueux par exemple, ainsi que les effets spéciaux spectaculaires ). La nature, celle des Landes de Gascogne où par-delà les « pins » et la culture du maïs imposé.e.s par l’homme subsistent des endroits telle une jungle à la végétation dense et qui fourmille d’espèces vivantes, est le réceptacle vert doré qui sert à la fois d’écrin à cette mutation, et d’accompagnement musical : grondements insolites (rendus par les percussions) et musique plus cristalline (pour les envolées aériennes)
Une nature traitée comme un personnage à part entière, un chien, d’abord membre du trio, coach, modèle intermédiaire entre deux mondes, quittera définitivement le cadre dès lors qu’Emile assume seul sa « mutation » -physique mentale - et que Paul transcende ses contradictions, et surtout une bande-son originale, voilà de quoi « emporter » le spectateur
Et pourtant !!!
Après un prologue "fracassant", bien vite émergent des "facilités", bien vite s’émousse l’émotion, et la prestation des acteurs dont celle de Romain Duris (en époux et père aimant, en victime de ses propres contradictions) ou l’humour (auquel participe le " rôle" décalé d’Adèle Exarchopoulos) , n’y changeront pas grand chose !!!!
Autant dans Border (Border - Le blog de cinexpressions qui inscrit aussi le fantastique dans l’intimité du quotidien, Ali Abassi entremêlait plusieurs "genres" (social, policier, fantastique) sans jamais amoindrir la « puissance singulière de sa narration autant dans le règne animal des longueurs, des étirements inutiles et l’exacerbation de la "sentimentalité" vont affaiblir (pour ne pas dire affadir) le scénario.!!!
Colette Lallement-Duchoze