de Ramata-Toulaye Sy (2023 Sénégal France)
avec Khady Mane, Mamadou Diallo, Binta Racine Sy
Présenté en Compétition Officielle festival de Cannes 2023
Banel et Adama s’aiment. Ils vivent dans un petit village éloigné au Nord du Sénégal et du monde, ils ne connaissent que ça. Mais l’amour parfait qui les unit va être mis à rude épreuve par les conventions de la communauté. Car là où ils vivent, il n’y a pas de place pour les passions, et encore moins pour le chaos.
Au concert de louanges lors de la rencontre avec la réalisatrice (Omnia 31/08) osons apporter quelques bémols
Nul ne saurait contester la beauté travaillée de l’image, la lenteur, la langueur typiques de certains contes, le tragique d’amours contrariés ni une dynamique interne qui épouse le parcours d’une rebelle incandescente (dont la fronde serait matérialisée par le lance-pierre ?)
Or, précisément la « ligne » qui sépare esthétique et esthétisant est allègrement et constamment franchie -et ce, dès le début (très gros plans sur le visage puis sur les lèvres ; atmosphère bleutée quand Adama "raconte" l’histoire du pêcheur Kunda et des sirènes). Et la constante théâtralisation (postures, déplacements très millimétrés dans l’espace paroles "récitées" ) qui se conjugue à ces choix « esthétisants» ne fait que renforcer ce que l'on est en droit de déplorer (cf au final l’essaim d’oiseaux maléfiques, la disparition de Banel hors du cadre et simultanément son engloutissement -ensablement contre lequel elle avait appris à lutter)
Ajoutons l’excès de symbolisme (déclinaison sur une feuille des deux prénoms tel un mantra, tueries vengeresses à la Médée, enfouissement et strates ensablées), tous les effets de clair-obscur et les allégories des couleurs dominantes (dont l’ocre mordoré)
Un conte d’amour tragique à portée universelle, sur fond de réchauffement climatique, de déterminisme culturel et de croyances ancestrales (Tout est lié, la sécheresse, ton amour pour Adama, ton envie de vivre dans une maison avec lui, seuls c’est la conviction du frère jumeau) tels étaient les enjeux de ce premier long métrage !
Je n’irais pas jusqu’à affirmer -comme certains- qu’on « se dessèche d’ennui »
Mais…
Je vous laisse juge
Colette Lallement-Duchoze