de Quentin Dupieux (France 2022)
avec Raphaël Quenard, Pio Marmaï, Blanche Gardin
En pleine représentation de la pièce "Le Cocu", un très mauvais boulevard, Yannick se lève et interrompt soudainement le spectacle pour reprendre la soirée en main...
Foin de l’absurde ou du fantastique (pneu serial killer et psychopathe « Rubber, » faux film d’anticipation « fumer fait tousser », rêve d’immortalité « incroyable mais vrai ») la seule incongruité (et encore!!) dans Yannick étant l’intervention intempestive d’un spectateur lors d’une représentation théâtrale.
Voici un lieu, un huis clos : une salle de théâtre, sa scène « éclairée » vue en contreplongée par le public dans l’obscurité (unité de lieu). Un renversement de perspective et d’éclairage avant une « étrange » fusion (unité d’action avec les « fameux » rebondissements liés ici aux "jeux de masques" ); un troisième "espace", le dehors où rode, sournois, le réel répressif jouera le rôle de final avant que l’écran noir n’impose le silence du non-dit -(Ne pas spoiler).
A la fin de Au poste un rideau s’ouvre, se ferme. Surprise : on venait d’assister à une comédie foutraque puis on accompagnait les acteurs au restaurant en train d'éplucher les critiques. du Figarock... Esquissée, déjà plus prégnante dans le Daim -où Georges se révèle piètre réalisateur apprenant son métier- sur le tas , la thématique relation et dépendance auteur/public, est ici plus amplement développée. Mais surtout Yannick nous interroge sur la pertinence de l’art dans la vie d’un être "lambda" (et invisible), sur l’arrogance de ces fieffés acteurs (dont Pio Marmaï exploite avec verve toutes les facettes insoupçonnées). C’est en cela que le dernier film de Quentin Dupieux est très "captivant" (et ce, dans toutes les acceptions de ce terme) quoi qu’en disent et pensent certains spectateurs !!!!!
Reprenons : un spectateur outré par la médiocrité de la pièce, se sent floué (veilleur de nuit à Melun, il a profité de son jour de congé, pour assister après 45 minutes de transport en commun et 15 minutes à pied, à une "comédie divertissante".) Résultat ? auteur, acteurs, système l’ont "cocufié" . On le sommerait de pactiser avec la nullité ? il risque en outre d’être encore plus angoissé…alors qu’il était venu se "divertir" (sens pascalien) Qu’à cela ne tienne ! Il décide de tout (re)prendre en main (armée) et à zéro (quitte à ce que le temps, l’attente ne deviennent personnages).
Venez découvrir les subtilités qu’exige l’élaboration d’un texte, les nuances des jeux d’acteurs (Pio Marmaï « adaptant» sa diction et sa présence à toutes les « circonstances », par exemple)
Laissez-vous emporter par la performance époustouflante (sens propre) de Raphael Quenard / Yannick : qu’il soit apprenti dramaturge, contestataire bon enfant, soumis aux diktats éhontés de l’acteur lors d’un renversement de situation, attendrissant ou inquiétant, son phrasé son regard sa gestuelle, tout chez lui -qui résonne juste- est au service d’un discours beaucoup plus politique qu’il n’y paraît….
Ne serait-ce pas la surprise de ce film ?
Colette Lallement-Duchoze