de Matthias Luthardt (France Allemagne 2022)
avec Christa Théret, Luise Aschenbrenner, Leonard Kunz, Aleksandar Jovanovic
Octobre 1918, la guerre s’éternise. Seule dans une ferme au milieu de la forêt vosgienne, Luise, qui vient de perdre sa mère, se retrouve confrontée à deux inconnus : Hélène, une jeune Française qui fuit vers les Pays-Bas et Hermann, un soldat allemand blessé par Hélène. Luise accepte de les cacher alors que l’armée allemande les traque. Isolés, leurs repères sont brouillés par la guerre. Se crée alors un étrange ménage à trois où les cartes sociales, nationales et amoureuses sont rebattues.
Librement adapté du court roman The fox de D.H. Lawrence, le film de Mathias Luthardt a les défauts de ses qualités.
La réalisation frappe par sa sobriété -souvent succession de petites scènes sans l’apport grandiloquent de dialogues-, par la recherche systématique des effets de clair-obscur car l’essentiel se déroulera à l’intérieur; (surtout ne pas vous fier à la première affiche où le plan en extérieur sert de conclusion ; dans la seconde, les couleurs mordorées et le visage presque extatique de l'actrice seraient plus proches du récit ..) ; un huis clos donc où évolue le trio - la paysanne alsacienne, la Française en fuite et le soldat allemand (un "faux déserteur") Le recours à trois langues (alsacien allemand et français) est un judicieux ressort narratif ( au moins plaide-t-il en faveur de la vraisemblance : nous sommes en 1918 dans une zone frontière). Les quelques plans sur la "forêt" vosgienne en feraient un personnage à part entière (au tout début par exemple sous l’opacité du vert émeraude, frémit et palpite ce qui va bien au-delà des morsures du vent, ce qui "se déchire et se démembre" ).
Las !! Que de clichés !
Que de complaisance dans certaines approches (très gros plans sur la plaie du soldat blessé, sur les mains unies des femmes avant leur "accouplement") ; des " arrêts sur image" ou plans fixes travaillés - comme gage de satisfaction, fierté de qui a réussi son travail -: le lit où repose le corps mort de la mère, le ratissage du foin, le renard en fuite dans la ligne de mire.(on pourrait multiplier les exemples) On a même parfois la douloureuse impression que Christa Théret, -actrice talentueuse, mais hélas trop rare – n’est vraiment pas à sa place, tant ses déplacements semblent "empotés"
La longueur du film est un lourd handicap, quand le "temps" ne crée pas de tempo, favorise l'artificialité, enferme puis déroule des "attendus" (convenus) telle cette attirance entre les deux femmes (le désir et sa concrétisation) et que l’apprentissage de la langue (l’actrice allemande a dû se prêter à cet exercice) exclut le naturel (les discussions sur l’homosexualité, fatalement entachées de "religion" en deviennent grotesques, tout comme l'opposition entre l'athéisme revendiqué par la Française et la religiosité des prières ânonnées, que partagent le soldat et la jeune paysanne)
Colette Lallement-Duchoze