de Francisca Alegría (Chili 2022)
avec Leonor Varela (Cecilia), Mía Maestro (Magdalena), Alfredo Castro (Enrique), Luis Dubó (Victor), Marcial Tagle (Bernardo), Laura Del Rio Rios (Alma), Enzo Ferrada Rosati (Tomas), Benjamin Soto (Pablo),
présenté au festival du film de Sundance 2022 (section word dramatic competition)
Cecilia, chirurgienne à la ville, doit revenir précipitamment avec ses deux enfants à la ferme familiale où vivent son père et son frère dans le sud du Chili. Au même moment, des dizaines de vaches sont frappées d’un mal mortel et la mère de Cecilia, disparue depuis plusieurs années, réapparaît.
Mêler onirisme et réalisme rural, fable écologiste (et écologique) et portrait intimiste familial, rêverie fantastique et réflexion sur le « futur » de la planète, est un pari à la fois courageux et « casse-pipe » Tout étant dans l’équilibre entre ce qui est dit montré et ce qui est suggéré, soit entre une narration pertinente et crédible et une suggestion « poétique »
Dans le premier long métrage de Francisca Alegria, l’eau omniprésente est déclinée dans TOUTES ses acceptions : principe de Vie mais aussi force impétueuse qui charrie les produits toxiques d’une usine ; élément qui en ses abysses fait se "réconcilier" Magdalena la revenante et sa fille Cecilia - et le film pourrait se donner à voir et à lire comme une authentique ode à la « maternité »- L’œil de la vache filmé en très gros plan est à la fois miroir et palimpseste sur lequel Cecilia, à l’écoute des lamentations animales et prodigue en caresses et murmures, lit à la fois la douleur du présent et la "promesse" d'une "aube nouvelle" (?) L’ambiance nocturne, les effets des clairs obscurs en intérieur, des masses verdâtres d’où clignote l’étincelle en extérieur, alors que la surface des eaux et de l’humus se ride, ou les effets des ombres portées, (il faut saluer le travail du chef opérateur Inti Briones) , les meuglements de panique torturante ou les voix de la Nature gémissante, chœur antique et chorale moderne (la musique de Pierre Desprats illustre l’aspect à la fois sensoriel et mystique de cette « fable »), tout cela participe à l’atmosphère d’étrangeté; alors que le message est assez « limpide » : en dénonçant l’hyperactivisme de puissances industrielles qui bafouent et rompent l’équilibre écologique, la cinéaste revendique une forme d’écoféminisme ....sur fond de chronique familiale
Mais à force de vouloir trop « montrer » (les manifestations d’écolos, le fils de Cecilia Tomas et le changement de "sexe" , les mâles (le père le frère) coupables de domination patriarcale), à force de courtiser l’irréel (résurrection de la mère Magdelena, hors des eaux boueuses, parallélisme entre elle et la Nature, bafouée exploitée, vaches transfigurées, devenues "le corps exploité du féminin, de la maternité de l’abondance de la Terre") à force d’entremêler systématiquement toutes les thématiques la réalisatrice aurait-elle cédé aux « sirènes de l’air du temps » ? Usé et abusé du fameux réalisme magique latino-américain… ?
Peut-être !
Je vous laisse juge
Colette Lallement-Duchoze