Documentaire réalisé par Marusya Syroechkovskaya (2022)
montage Qutaiba Barhamji
festival de Cannes 2022 ACID (association du cinéma indépendant pour sa diffusion)
Visions du réel 2022 mention spéciale du jury
Festival international du Film d'Amiens 2022 Grand Prix Long Métrage
Synopsis (dépliant ACID) Le jour de ses 16 ans Marusya s'est fait la promesse d'en finir avec la vie avant l'année écoulée. Mais au cœur de cette "Russie de la déprime" elle fait la rencontre de Kimi dont elle tombe éperdument amoureuse. Pendant douze ans elle va filmer leur couple, capturer l'euphorie et la dépression, la rage de vivre et le désespoir de leur jeunesse muselée par un régime violent et autocratique
Chronique d’une mort annoncée, le documentaire de Marusya Syroechkovskaya est précisément encadré par la séquence de l’enterrement de Kimi (toxicomane). La jeune femme -elle a 27 ans en 2016- se rend à l’enterrement de celui qui fut son ami, son amant , son mari, son "âme sœur" -elle l'avait filmé durant plus de 10 ans; impuissante, elle avait assisté à son autodestruction !!!. Neige à peine floconneuse. On visse définitivement le cercueil et l’on jette une motte de terre dans le caveau. En écho à la fin -qui est aussi la fin d’un double parcours- la même scène- filmée selon d’autres angles de vue-, et en voix off l’hommage de Kimi à l’aimée et celui de Marusya au cher disparu.
Car par-delà la mort, Kimi va continuer à VIVRE Comment ? C’est l’enjeu de ce documentaire. La cinéaste est persuadée que s’il y a une vie après la mort, elle est pixellisée Oui c’est bien par le médium cinématographique que l’ami mort échappera à l’oubli. Si le "tombeau" fut le genre poétique -et musical- pour célébrer et faire vivre un disparu, l’image numérique -et tous ses possibles- Marusya Syroechkovskaya l’exploite dans son hommage au "disparu". C'est un film de mémoire, explique-t-elle sur ce que le cinéma permet de garder de la mémoire des gens qui sont partis. Saluons ici l’époustouflant travail du monteur, le Syrien Qutaiba Barhamji, à partir d’archives disparates, d’images provenant de caméras différentes, avec un cadre pas toujours très heureux et un son parfois bancal
Plus qu’un hommage, le documentaire va transformer (pour l’éternité) Kimi en « musique » ; non seulement « how to save a dead friend » est traversé de musiques (surtout celle du groupe Joy Division et d’ailleurs le couple prénomme …Curtis, un des chats adoptés), non seulement il est habité par les poèmes de Kimi. MAIS grâce aux outils de « sonification et à l’appli Vosis, des données visuelles se « transforment » en signaux acoustiques – Nous voyons effectivement la cinéaste à plusieurs reprises, se déplacer avec son IPad, toucher et faire glisser délicatement les pixels d’un portrait de Kimi (le logiciel qui les analyse produira un son !!! ) Moment poétique d’une intensité visuelle et musicale !
Voici des façades d’immeubles géants : la récurrence de ces fenêtres closes, de ces immenses corps urbains désincarnés comme témoin d’une vie claustrale ? celle des invisibles emprisonnés dans leur solitude ? et pourtant l’essentiel de ce que (qui) fut la VIE du couple, s’est "épanoui" dans ce quartier de Moscou ! Ce ne sera pas pur hasard si le film se clôt sur des images de synthèse qui les font flotter dans le noir....
Est-ce que parce que How to save a dead friend - oxymore et programme tout à la fois- agit comme une autobiographie visuelle, qu’on l’a comparé au travail de Nan Goldin ? les critiques "adorent" se "raccrocher à tout prix à ….quelque chose de connu" Trop de divergences pourtant (contexte travail finalités) mais là n’est pas le propos
Les discours convenus de Dmitri Medvedev et de Poutine -qui scandent le passage à une année nouvelle- frappent surtout par un décalage : et la dissonance par rapport au mal-être de la jeunesse loin de la "galvaniser" l’enferme dans son « tombeau » Or, si ce film a été montré pour la première fois à l'ACID à Cannes 2022 , il faut savoir qu’il a été refusé dans certains festivals -suite à l’invasion de l’Ukraine- - « Certains festivals n’ont pas souhaité sélectionner mon film parce que je suis tout simplement Russe, sans chercher à savoir quel était le sujet. » (interview Première du 28/06/23 par Yohan Haddad) .....
Un documentaire à ne pas rater !
Colette Lallement-Duchoze
PS pour la genèse voir le dépliant ACID disponible dans le hall de l'Omnia