29 juin 2023 4 29 /06 /juin /2023 06:14

d'Ira Sachs (France, Grande-Bretagne 2022) 

 

avec Franz Rogowski, Ben Whishaw, Adèle Exarchopoulos

 

présenté en compétition à la Berlinale 2023

Tomas et Martin forment un couple gay vivant à Paris. Leur mariage traverse une crise lorsque Tomas entame une liaison avec Agathe, une jeune institutrice. Mais lorsque Martin débute également une liaison, Tomas doit faire face à des décisions qu’il n’est pas prêt ou qu’il n’a pas envie d’affronter

Passages

On dit qu'un  prologue peut encoder un film.

Film dans le film -ou du moins répétition d’une scène - tel se présente le tout début de « Passages » d’Ira Sachs . Un réalisateur Tomas dirige un comédien : celui-ci doit descendre un escalier, se rendre à un comptoir commander une boisson avant de participer à une fête; or sa démarche est empotée, manque de spontanéité ; on répète plusieurs fois la  "descente" des marches, alors que défile le générique. Tomas s’énerve. Le ton monte, celui de la colère intransigeante. Ainsi on "passe" très rapidement de la "direction d’acteurs"  à la volonté d’humilier.

Or c’est précisément ce qu’est Tomas tant dans sa relation avec Martin qu’avec Agathe -malgré des dénégations répétées, de vaines promesses et de torrides rapports sexuels - Non pas simple "distributeur" de rôles,  mais manipulateur, c’est ainsi qu'il sera décrit  dans "sa vie"  au quotidien. Avec ces moments d’indécision -qui font d’ailleurs écho à l’indécision de l’acteur dans la scène liminaire !. La dynamique du film ? la perte progressive d’un pouvoir jupitérien, celui de tout contrôler   

L’escalier sera de toute évidence un motif récurrent : marches que l’on (Tomas) monte et descend avec ou sans vélo, marches que l’on gravit en "passant"  d’un appartement à l’autre- -Martin/Agathe   -et la rapidité épousera aussi celle du pédalier tout comme elle dira  l’essoufflement avant la  "crise"

Plus qu’une énième variation sur le "triangle" amoureux avec un couple d’homosexuels - le trio est porté par un formidable casting !, le film d’Ira Sachs serait une interrogation sur l’impossibilité de  "créer une famille "  quelles qu’en soient les "formes" . Tomas, qui est quasiment de tous les plans, est celui par qui advient naît meurt un « semblant » de « construction ». Le couple qu’il formait avec Martin et leurs projets d’avenir risquent de s’écrouler quand il débute une idylle avec Agathe. Séparations réconciliations tentatives de  ….celles précisément que formulent les parents d’Agathe soucieux de l’avenir de leur fille enceinte  (une scène au comique grinçant !!) ; mais Tomas se défile -une fois de plus tout comme il fonce dans les rues de Paris en empruntant délibérément les accès interdits aux vélos (très belle séquence d’extérieur, avec en écho inversé les séquences des cafés). Nombriliste, égoïste Tomas sera-t-il renvoyé à la "solitude fondamentale"?

Le réalisateur semble exceller dans la rencontre et l’exultation des corps -et certaines scènes dites de « sexe » signent l’apothéose de la sensualité sans verser dans l’érotisme vulgaire ni le voyeurisme. De même s’impose le « rendu » d’appartements ouatés de velours pourpre (qui contraste avec certaines entrées d’immeubles.) Souvent filmé de dos, -comme pour ne pas s’exposer à une lumière qui le condamnerait -Tomas rappelle ces êtres antipathiques à la Pialat …

Et pourtant !!! malgré tout cela,  il y a - presque tout au long du film-  un  je ne sais quoi (clins d’oeil trop appuyés à la « nouvelle vague »  ? poncifs plus ou moins éculés ? théâtralité trop apparente ?) qui empêche une totale adhésion…..

Dommage!

 

 

Colette Lallement-Duchoze

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