d'Hadi Mohaghegh (Iran 2022)
avec lui-même (l'électricien) , Mohammed Eghbali, Hambdollah Azizi, Abdullah Nouri, Godijan Fathi, Mohammad Alavi
Grand Prix du Jury au Festival international de Busan,
Montgolfière d'argent au Festival des trois Continents à Nantes
Dans une maison isolée au milieu d’une plaine d’Iran, un homme vit seul avec son fils alité. Un jour, le transformateur de la maison tombe en panne. Un électricien vient pour le réparer. Une pièce manque, il part à sa recherche qui sera semée de rencontres et d’obstacles…
Le film s’ouvre sur une rencontre : un homme, handicapé moteur, ne peut avancer qu’à la force de ses bras ; il gratte le "sol dur" (titre originel du film) à la recherche de plantes ; il concocte une boisson pour son jeune fils alité.
Au long plan fixe d'ouverture sur sa maison, fera écho au final le même long plan fixe.....mais dans un silence désormais sépulcral …Délicatesse du non-dit !
Entre ces deux plans, que de "contretemps" ! et quelle lenteur dans leur traitement !! quels silences hormis deux plages musicales et la seule respiration de l’alentour -bruissement du vent et de l’eau-
Il y a une panne de secteur, (transformateur) , un électricien (interprété par le cinéaste lui-même) est mandaté. Mais il manque une pièce ; et ce sera ce long "périple" semé d’embûches que filme le réalisateur ; rechercher la pièce et simultanément accueillir ce souffle de générosité, qui, pour nous Occidentaux habitués au primat de l’avoir sur l’être, - nous sommes ce que nous avons et nous n’avons que ce que nous gagnons- ne peut qu’émouvoir. L’opposition entre ce qui se « monnaye » (location de voiture, achat d’un matelas électrique) et ce qui « n’a pas de prix » : une main tendue, le temps passé à contourner et surmonter les « obstacles », sans demander quelque gratitude, semble magnifier cette bonté à l’état pur, laquelle va faire corps avec le paysage
Lenteur du rythme, plans fixes, minimalisme -ou rareté- des dialogues, loin de susciter l’ennui (certains spectateurs seront rebutés par ces choix) sont au service d’une aventure humaine, dans une zone quasi désertique de l’Iran. Une bipartition de l’espace entre le vert et l’ocre, entre les champs verdissants et les montagnes arides, et les méandres d'un chemin, celui là-même qu’emprunte l’électricien, l'agent 752, bipartition spatiale en harmonie d’ailleurs avec la coexistence de la vétusté archaïque (habitations modes de vie) et la contemporanéité « économique » (carte de crédit).
C’est le quotidien que filme Hadi Mohaghegh dans sa simplicité (on est en droit de penser à Abbas Kiarostami) et dans ses composantes vie et mort (dont celle de la gardienne qui s’éteint après avoir "accompli son devoir" en interdisant l’accès à un "inconnu" -illettrée elle ne peut vérifier l’authenticité de la carte professionnelle de l’agent), un univers où la cécité ne saurait entraver les puissances olfactives (cf l’épisode de l’aveugle).
On ne peut que souscrire aux propos du cinéaste « En faisant ce film, j’ai souhaité montrer la dignité des habitants de cette région, malgré tous les problèmes et les difficultés qu’ils affrontent. Ce qui m’intéressait c’était d’approcher ces gens simples, solidaires et qui vivent dans la simplicité de la nature. Ce film est pour moi le film le plus important que j’ai réalisé
Un film à ne pas rater !
Colette Lallement-Duchoze