de Natasha Merkulova et Aleksey Chupov (Russie 2021)
avec Yuriy Borisov, Timofey Tribuntsev, Nikita Kukushkin, Aleksandr Yatsenko, Natalya Kudryashova, Viktoriya Tolstoganova, Anastasiya Ukolova, Vitaliya Kornienko
URSS, 1938. Staline purge ses propres rangs. Les hommes du NKVD qui mettent en œuvre la répression sont eux-mêmes arrêtés et exécutés. Capitaine zélé du NKVD, Volkonogov se sait parmi les condamnés et s’échappe. Dans sa fuite, il va chercher à expier ses fautes en recueillant le pardon des familles de ses victimes...
C’est la « grande Terreur » : des centaines de milliers de personnes sont condamnées sur la foi d’accusations arbitraires, d’aveux extorqués sous la torture, et ce même dans les rangs staliniens. Le capitaine Volkonogov qui a vu le commandant Gvozdev se jeter par la fenêtre sait qu’il risque d'être convoqué pour « réévaluation ». Il s’enfuit de ce bâtiment qui abrite le NKVD. Mais que fuit-il réellement ?
Le film épouse le rythme de la course du capitaine, un capitaine traqué par son supérieur et ses propres fantômes, un capitaine à la recherche d’un hypothétique pardon ! (et l’acteur Yuriy Borisov, que nous avions vu dans Compartiment n°6 incarne avec brio la folie dévastatrice du personnage). Le présent de cette double traque se mêle à un passé plus ou moins proche que restituent de nombreux flash-back. Et nous voici plongés dans un univers qui, à s’y méprendre serait celui d’une dystopie…-, où la décrépitude, la saleté et la vétusté - bâtisses, appartements communautaires, caves - sont la métonymie de la déshumanisation, de l’agonie programmée ! L’ère nouvelle qu’impose Staline est illustrée, pour ne pas dire symbolisée, par ce « zeppelin » 1938. Or cet immense objet oblong que l’on regardera (fasciné ?) de la fenêtre en contre-plongée ne concourt-il pas à faire peser sur chaque Russe la sensation d'être surveillé'? Suicides exécutions (une seule balle dans la nuque permet d’économiser le temps et les munitions…) délation à tous les étages, triomphe de la mort et de l’arbitraire ! C’est la paranoïa du dictateur, épaulé par le NKVD! Ses membres? dès la scène d'ouverture l'accent est mis sur la culture du corps; des jeunes athlètes au crâne rasé jouent au volley dans une immense salle lambrissée puis Volkonogov et son pote Verretennikov s'adonnent à une "lutte" entre "chiens". Jeunesse insouciante? la suite démentira cette première impression.!!!
Convaincu (après une vision) que le « pardon » (d’au moins une personne) lui ouvrira les portes du Paradis, le capitaine Volkonogov s’acharne à le quémander auprès de familles dont il a exécuté iniquement, cyniquement, sournoisement, sadiquement un des membres (les flash-back qui le « montrent » à l’œuvre insistent -et c’est souvent à la limite du supportable- sur les corps meurtris torturés désarticulés dégoulinant de pleurs et de sang). 5 personnes consultées, une démarche identique : rappel de la formule méthodes spécifiques, annonce de l’exécution que jusque-là les autorités avaient maquillée, et demande insistante du pardon ; « va te faire enculer » ce sera la première réponse. Cuisant échec avec les quatre autres (ici les co-réalisateurs en "variant" à la fois les contextes et les réactions, ont élargi la vision de Leningrad, et rendu palpables la peur et l'assujettissement à la doxa!)
Mais au final, voici, inattendue une séquence où la lenteur des gestes, où les mains de l’agonisante telles celles de dieu, où la toilette mortuaire et l’étreinte souriante dans la mort, accordent au « fuyard » une forme de réconciliation à défaut du paradis ( ??)
."peu importe que j'y croie ou non, ce qu'il y a ... c'est que je sais que je n'y ai pas droit".
Certes le film souffre de quelques longueurs, de redites, et d’une insistance (parfois complaisante) sur le sordide mais ces quelques bémols ne sauraient entacher les qualités de ce film audacieux et….engagé !
Colette Lallement-Duchoze