de Hajime Hashimoto (Japon 2020)
avec Yûya Yagira, Min Tanaka, Hiroshi Abe
Peintre étudiant, Shunrô est exclu de son école pour son impétuosité et son style marginal. Soutenu par un galériste qui détecte son génie, Shunrô va devenir Hokusaï, l’un des plus célèbres peintres d’estampes japonaises, mais aussi la cible à abattre de ses détracteurs.
Une composition qui rappelle certains tableaux, des plans fixes -propices à la contemplation-, une structure à la chronologie éclatée, malgré le découpage formel en diptyque (Edo 1785 Edo 60 ans après) une volonté de ne pas verser dans l’hagiographie celle d'un peintre mondialement connu (et reconnu) pour sa vague, et son influence sur la peinture en Occident dans la seconde moitié du XIX siècle, lui le maître incontesté de l’estampe ukiyo-e (littéralement "image du monde flottant") : tel est bien le parti pris du réalisateur dans ce "biopic" . Saluons aussi l'évidente méticulosité dans la reconstitution de certains quartiers d'Edo ou des intérieurs de geisha et dans le choix des costumes ainsi que le travail sur les lumières.
Geste du peintre, pinceau qui calligraphie l’espace vierge, processus de création dans un contexte de violence institutionnalisée, tout cela va culminer dans ce plan qui enserre les deux Hokuzai -le jeune et le vieillard- en train d'élaborer une œuvre. Moment hors du temps ? temps momentanément suspendu ? Or dans la narration cette séquence se situe précisément après des œuvres inspirées par le meurtre de l’ami écrivain (qui a préféré « sacrifier » son statut de samouraï ; écrire n’était pas seulement une gageure mais l’affirmation d’une soif de liberté)
D’ailleurs "la violence" -celle de la censure- surgit dès le début du « biopic » : nous assistons au saccage d’une librairie, jugée subversive ; nous verrons aussi des artistes "vendre" leurs œuvres dans la clandestinité. Le pouvoir juge l’art "moralement corrupteur?" Il faut avouer que pour un spectateur occidental qui n’est pas versé dans l’histoire du Japon, les ellipses et les allusions le privent de toute contextualisation. La version française aurait été amputée de 30 ‘ ? mais il n’est pas sûr que ces trente minutes aient servi d’écrin explicatif à nos interrogations !! Au moins aurons- nous compris que ce que nous admirons aujourd’hui fut enfanté dans la douleur voire la barbarie! : Voici des samouraïs chargés de faire respecter l'ordre, voici un peintre Utamaro, emprisonné, c'est "qu'on ne doit pas peindre les maisons closes, la vie des plaisirs ou les petites gens, et la fameuse vague aurait été jugée révolutionnaire !
Un peintre (1760 1849) très prolixe (plus de 30 000 dessins) un peintre aux multiples identités, (plus de 120 noms ou pseudo) un peintre témoin de son temps (dont le vieux monde conservateur) et luttant contre les injustices Il faut le voir à 70 ans partir avec son baluchon Mon corps me lâche. C’est maintenant que je vois des choses que je ne voyais pas et ce sera la série des vues sur le Mont Fuji.
De l’émulsion brumeuse au mouvement de fougue, -que perçoit puis ressent, presque viscéralement, Hokusai (avant de renverser sur son visage un bol de bleu de Prusse !) et qu’il immortalisera dans la Grande Vague de Kanagawa– n’est-ce pas aussi la dynamique qui anime ce "biopic" ?
Colette Lallement-Duchoze