de Fabian Hernandez (Colombie 2021)
avec Felipe Ramirez , Juanita Carrillo Ortiz, Diego Alexander Mayorga
Quinzaine des Réalisateurs Cannes 2022
Présenté à Rouen dans le cadre du festival à L' Est jeudi 2 mars 2023
Carlos vit dans un foyer à Bogota, un refuge à l’abri de la violence extérieure. C’est Noël et il aimerait partager un moment avec sa famille, -sa sœur Nicole et sa mère, incarcérée, dont il se sent responsable . A sa sortie du foyer il est confronté à la rudesse des rues de son quartier, où règne la loi du plus fort. Il doit montrer qu'il peut lui aussi être l’un de ces mâles alpha. Il lui faudra choisir entre adopter les codes d’une masculinité agressive, ou, à l’opposé, embrasser sa nature profonde.
Le film est dédié au père Javier de Nicolo (celui qui avait accueilli le jeune Fabiàn Hernandez)
Face à la caméra en plan fixe défilent plusieurs « varons » ( ?) : Tout dans leurs mimiques leur accent leur gestuelle leur vocabulaire, semble décliner une définition de leur masculinité, de leur virilité telle qu’elle doit se manifester dès lors qu’on est confronté aux puissances infernales de la rue ; défile ainsi tout ce qui participe à la fabrique du « mâle » drogue, sexe, arme. La masculinité comme passeport pour la vie. C’est la scène d’ouverture
Puis la caméra va suivre Carlos qui sera de tous les plans. Il incarne un questionnement à la fois humain et existentiel « est-ce qu’être varon va de pair avec la violence » et dans l’affirmative « y aurait-il une autre voie pour un être un homme ? Le réalisateur dit s’être inspiré de sa propre expérience et avoir voulu « faire un film honnête sur un sujet traité le plus souvent d’une manière qui ne l’est pas » ; entendons par là, refuser les clichés sur la Colombie pourvoyeuse de .. et de…. ; bannir toute esthétisation de la violence. Celle-ci est certes manifeste dans les discours dans les rixes les propos, on la devine, menaçante, prête à exploser mais elle sera filmée "sans érotisation, sans instrumentalisation plus ou moins sordide, à des fins de divertissement". Plus authentique plus sincère serait le film mais par ricochet moins dense, moins intense ? pas sûr ! car ce jeune homme solitaire, contraint à « exhiber sa masculinité », laisse échapper par intermittences des aspirations profondes (cf la scène avec la femme aux ongles longs, cette prostituée si maternelle, le rouge à lèvres qui s’en vient colorer son reflet sur le miroir, le regard équivoque, les appels téléphoniques à la mère adulée)
Voici Carlos chez la coiffeuse exigeant une « coupe de mec », celle qui se marierait si bien avec des sourcils taillés au rasoir, un accoutrement fait d’un jean taille basse et de tee-shirts, avec l’exercice de ces poings tendus signes de ralliement ! Tout cela vaut pour l’apparence !! Or le film est construit sur un tiraillement intérieur, illustré d’ailleurs par les constants allers et retours, les allées et venues de Carlos, et par les « conseils » opposés prodigués par les femmes (dont la sœur) et par ses « pairs » (autres varons) ; le plan final laisse ouverte la possibilité d’un choix que ne dicterait plus le « déterminisme social » ?
Dans l’environnement de Carlos seules résistent -ô paradoxe éloquent ! les habitations minables masures des favelas à côté de ces champs de « ruines » -démolitions de constructions plus récentes et dont les monticules de gravats servent d’itinéraires, de cheminements qui louvoient , difficiles.
Tracer sa propre voie et laisser les larmes inonder le visage, (dont rend compte un très (trop) long plan) alors que la décision de « tuer » engage sa propre survie.
Ô douleur non encore éprouvée!
Un film que je vous recommande
Colette Lallement-Duchoze