10 mars 2023 5 10 /03 /mars /2023 10:13

Long métrage d'animation réalisé par José Miguel Ribeiro (Portugal 2022)

 

 

musique  signée  Alex Dibicki 

 

 

Présenté en ouverture du festival Anima Belgique 

 

Angola. Trois générations de femmes dans une guerre civile qui dure depuis 25 ans : Lelena (la grand-mère), Nayola (la fille) et Yara (la petite-fille). Le passé et le présent s’entrecroisent. Nayola part à la recherche de son mari, qui a disparu au pire moment de la guerre. Des décennies plus tard, alors que Nayola n’est toujours pas revenue, sa fille Yara est une adolescente rebelle et une chanteuse de rap très subversif. Une nuit, un intrus masqué fait irruption dans leur maison, armé d’une machette. Une rencontre qu’elles n’auraient jamais pu imaginer

 

Nayola

Nous avons tant tué, eu de tant de morts, il ne reste plus grand monde pour raconter comment cétait." Eh bien ce film d’animation -même s’il tend vers l’universel- sera le "récit" de ces folies meurtrières (exécutions sommaires bombardements qu’accentue une bande-son parfois trop illustrative) à travers le parcours de Nayola. (Parcours consigné sous forme de journal qu’est en train de lire Yara … )  alors que Yara, sa fille,  en illustrera  les traumatismes

 

Angola 1995,  Angola 2011 : seules indications précises signalées en bas de l’écran

 

Le voyage de Nayola à la recherche de son époux disparu se déploie dans de vastes contrées colorées appartenant à une nature où se mêlent l’ocre le rouge flamboyant et le vert acide en une étonnante palette (rutilante le plus souvent) alors qu’en gros plan se détache sa chevelure noire. Ce personnage traverse aussi des décombres (ici dessins d’immeubles éventrés désertés par l’humain),  renouera avec le « vivant » (personnage du garde-barrière qui, en sautillant annonce la « paix » tout en alertant sur une « fausse » destination, une impasse !). Terrorisée, épuisée par un si long périple, accompagnée d’un chacal (animal totem) dont elle empruntera le masque (masque qui protège et enferme tout à la fois), elle connaîtra aussi une forme de résilience (thérapie ancestrale : son corps relié à la Lune par une corde salvatrice va vomir tous les ingrédients de la folie meurtrière ! une purification pour un  personnage qui ne semble appartenir qu’au monde des morts !)

 

Aux déflagrations du passé meurtrier correspondent en écho les perquisitions nocturnes du présent celui que vit sa fille Yara - qu’elle a délaissée et dont elle a confié la garde et l’éducation à Lelena, -cette grand-mère,  au visage à la Gromaire, un bloc orangé qui crève l’écran, et qui contraste avec l’aspect filiforme de sa petite fille Yara. Yara, qui à la barbe des policiers tente de diffuser son album de rap « nouveau pays »  et revendique une liberté d'expression "je n’accepte pas de vivre dans un pays qui au lieu de nous protéger nous opprime. Qui pense autrement n’a pas le droit à la liberté d’expression ? Et mes droits ? Je chante la réalité donc je mérite d’être punie ?"

 

Deux temporalités donc mais qui s'entrelacent se superposent, parfois s'enchevêtrent, deux univers (nature et ville le plus souvent), deux traitements de l’animation (2 D et 3 D),  reliés -dans le sommeil ou les rêves( ?) - par des images oniriques (dessins à peine esquissés en bleu où se profile la vision d’une famille réunie, dessins aux pointillés furtifs qui iront s’effaçant), avant de se "rejoindre" dans une séquence telle une Cène des temps modernes

 

Nayola est un vibrant hommage à la femme, à travers le parcours des trois personnages féminins que la guerre aura traumatisés, trois femmes fortes, indépendantes. Il faut voir Nayola lutter contre les hyènes, terrasser animaux et humains, quand il s’agit d’aider les plus faibles ; affronter -seule dans un premier temps- la faim, la soif, la chaleur, tout entière chevillée à son désir de retrouver l’époux combattant (et peut-être déjà disparu). Sa fille ne craint pas les représailles ni les coups de matraque, elle crée des textes subversifs irrévérencieux à l’encontre du gouvernement en place ; quant à Lelena elle incarne cette force tranquille qui sait résister et au besoin « mentir » pour sauver les « siens »

 

En entrelaçant deux époques, en rendant hommage aux femmes, en exploitant toutes les ressources de l'animation  et celles d’une palette, rutilante ou sombre, solaire ou ténébreuse,  ce film  ne peut qu’entraîner l’adhésion du public. Rien d’étonnant à ce qu’il ait ouvert le festival Anima en Belgique  " Spectacle de couleurs, de coups de fusil, de bombes, de répression ..Nayola  un florilège d’émotions"

 

Un film à ne pas rater! 

 

Colette Lallement-Duchoze

Partager cet article
Repost0

commentaires

Mode d'emploi

Ce blog est destiné à collecter nos ressentis de spectateurs, à partager nos impressions sur les films (surtout ceux classés Art et Essai).

Envoyez vos articles ou vos réactions à: artessai-rouen@orange.fr.

Retrouvez aussi Cinexpressions sur Facebook

 

 

Recherche