d'Andrès Ramirez Pulido (Colombie 2022)
avec Jhojan Estiven Jiménez, Maicol Andrés Jimenez, Miguel Viera, Diego Rincon .
Grand Prix et Prix SACD de la 61e Semaine de la Critique, Cannes 2022
Rouen Festival A L'Est mercredi 1er mars 2023
Eliú, un garçon de la campagne, est incarcéré dans un centre expérimental pour mineurs au coeur de la forêt tropicale colombienne, pour un crime qu'il a commis avec son ami El Mono. Chaque jour, les adolescents effectuent des travaux manuels éprouvants et suivent des thérapies de groupe intenses. Un jour, El Mono est transféré dans le même centre et ramène avec lui un passé dont Eliú tente de s'éloigner.
"Je reconnais ma culpabilité, je suis le seul à blâmer et je suis ici pour en payer le prix" formule mantra que des jeunes "délinquants" regroupés dans un coin isolé de la forêt tropicale colombienne, doivent psalmodier pour se débarrasser à jamais du mal qui les habite. Du moins cela fait partie de la méthode du thérapeute Alvaro (un illuminé ?), méthode opposée à celle du garde-chiourme Godoy adepte des sévices physiques !
Un "bassin" où stagne une eau poisseuse, où surnagent des nénuphars et des déchets, où la lumière peine à se diffracter, un univers clos par les arbres ténébreux de la jungle, un fourmillement de bruits insolites, tel est l’environnement de ce "camp de rééducation" , un camp où les conditions d’hébergement sont non seulement rudimentaires mais inhumaines (les 7 sont enchaînés la nuit dans ce qui fait office de "dortoir" ) Du glauque -sens propre et figuré-, en harmonie avec le Mal ? avec le lourd passé ? (dont la relation au père abject que l’on désire éliminer) . Tout cela (soit l’essentiel du film) vient juste après une séquence nocturne assez elliptique - en guise de prologue ; qui mériterait à elle seule un commentaire détaillé -comme pour pallier le minimalisme des paroles et des indices, l’ambiance mortifère et la fuite -qui d’ailleurs sera reprise en flash-back…Scène d’ouverture -drogue alcool meurtre- comme prélude à ?
Voici des délinquants. Leurs forfaits ? selon les cases du formulaire à remplir « menteur, rebelle, dealer, harceleur, bâtard, insomniaque, épileptique, suicidaire, dépressif, narcoleptique » El Mono qui rejoindra Eliù -complice de l’assassinat- cochera sans fard, les cases "voleur, escroc, bandit, assassin, drug addict et criminel "; El Mono perspicace ( ?) refuserait l’intox ? Se méfier des apparences, se méfier des grilles de lecture…(Même si à un moment nous constatons que ces délinquants sont de vrais esclaves économiques -leurs durs labeurs quotidiens servent en fait des magnats de la finance désireux de "récupérer" un sol impeccable pour leurs spéculations immobilières-)
Le film est centré sur le personnage d’Eliù un jeune qui se débat avec sa culpabilité. Un enfant de la campagne presque mutique au visage éteint morne, dont le regard semble scruter son for intérieur à la recherche de ? A l'instar de ce personnage c'est le film tout entier qui est à la fois "sombre et radical". Bien plus le réalisateur a voulu "que cette histoire connecte le spectateur à sa propre humanité" (un film à la portée universelle? )
Hésitant entre le ton du documentaire (froid et distant) et celui de la fiction voire du fantastique (où l’on descend dans les entrailles de la terre comme dans celles du passé, où la nature redevient métaphoriquement le ventre maternel avec ses grottes et ses forêts très humides ; où l’invisible va garantir une forme de rédemption) le film illustre surtout un vide affectif pour ne pas dire un "néant" et un questionnement sur la figure du père!
Au titre antiphrastique l’Eden (sortie nationale mars 2023) préférons celui de « jauria » la Meute (Cannes 2022)
Un film à la beauté "convulsive" et "atmosphérique" : travail méticuleux sur la texture de la peau, sur tout ce qui suinte, sur les lumières autour de cette hacienda abandonnée, choix et traitement des plans séquences; musique suggestive de Pierre Desprats pour évoquer la moiteur torpide ou la sauvagerie
A voir, assurément!
Colette Lallement-Duchoze