de Tiago Guedes (Portugal 2022)
coscénariste Tiago Rodrigues
avec Albano Jerónimo,(Laureano) Nuno Lopes (Samuel), Isabel Abreu,(Judite) João Pedro Vaz (Paulo), Gonçalo Waddington (Vitor) Leonor Vasconcelos (Salomé) et la participation de Maria João Pinho (mère de Pedro)
Festival de Cannes 2022 Sélection officielle séances spéciales
Festival international du film d’Ourense (Espagne) 2022 prix du meilleur film
Festival du film de Lucca (Italie) prix du meilleur film Jury de la presse
Dans un village du nord du Portugal, un rite de passage hérité d'une tradition païenne laisse des séquelles irréversibles au jeune Laureano, battu par trois autres adolescents. 25 ans plus tard, Laureano vit toujours aux abords du village, en marge de la communauté et entouré de chiens errants. Les agresseurs, devenus maintenant des hommes, se retrouvent un soir pour célébrer la fête du village. À la nuit tombée, un évènement fait remonter le passé à la surface et la tragédie s'installe.
Un film dense puissant et bouleversant !
Par sa mise en scène. Extérieurs traités comme des personnages ou des tableaux du XIX° ; jeux des lumières tamisées blafardes, plans séquences, récurrence symbolique de plans sur les vitres embuées, les escaliers et ruelles, panoramiques -où la vastitude absorbe l’apparente chétivité de l’humain-, économie des dialogues, atmosphère oppressante de bout en bout -on devine sur les visages la peur, l'attente angoissée de?-, avec de petites étincelles, lueurs furtives dans l’opacité ténébreuse et mortifère
Un film construit telle une tragédie : un long prologue consacré au rite païen dit d’initiation -passage à l’âge adulte- restitué dans toute sa noirceur et sa violence machiste où celui qui a osé se rebeller contre les prémices d’un viol collectif, va payer le prix fort. Les traces du « tabassage » seront indélébiles -tout comme subsistent dans ce milieu rural balayé par les vents des éoliennes, les "traces" d'une malédiction ; une scène d’ouverture à laquelle répond en écho 25 ans plus tard le rite sacrificiel de la même victime innocente dans le mugissement des éoliennes et les aboiements des chiens. Entre ces deux scènes une violence larvée suggérée, avant la découverte du corps mort de Pedro, fils de Samuel puis la mise en place méthodique d’une justice immanente !!
Une interprétation qui force l’admiration : Albano Jerónimo incarne dans un pur dépouillement cet "idiot du village" la "mauvaise conscience" des habitants ; quand Judite (celle que lui adolescent avait sauvée du viol collectif) s’en vient le supplier de « se dénoncer » -pour sauver l’honneur !!-, il posera ses mains et ses lèvres sur ses cheveux -tel un Christ moderne qui pardonne et se sacrifie par amour !!!
Un film qui hélas quitte l’affiche ce jour
Colette Lallement-Duchoze
Ce film est né de l’envie de réfléchir sur la violence exercée par les plus forts sur les plus faibles, sur l’illusion du pouvoir qui envahit tous les aspects de la société. Réfléchir à la perte de l’innocence, où elle se produit et pourquoi. Mais l’envie la plus prégnante a été de réfléchir à la peur et à la façon dont elle nous conditionne. Comment elle nous transforme et déforme la réalité.
La trame de fond de ce film est la confrontation entre la noblesse fondamentale de l’être humain face à ce que nous appelons la méchanceté humaine, souvent née de la peur, de ce qui nous semble étrange, étranger, ou que l’on ignore. Une confrontation ancestrale que la société camoufle, cache, sans avoir l’idée, le savoir ou la culture pour l’éradiquer.
De là naît la nécessité de réfléchir aux rites de passage (représentés ici à travers une tradition ancestrale semi-païenne), presque toujours liés à des manifestations violentes et misogynes, qui tentent de symboliser cette « séparation » extrême où l’on abandonne un statut social au profit d’un autre.