23 février 2023 4 23 /02 /février /2023 07:29

de T Strugar Mitevska (2022 Bosnie Croatie) 

 

avec Jelena Kordic Kuret, Adnan Omerovic Labina Mitevska Ana Kostovska  Senjia Marinkovic, Izudin Bajrovic

Sarajevo, de nos jours. Asja, 40 ans, célibataire, s'est inscrite à une journée de speed dating pour faire de nouvelles rencontres. On lui présente Zoran, un banquier de son âge. Mais Zoran ne cherche pas l'amour, il cherche le pardon....

L'homme le plus heureux du monde

Des hôtesses en robe  "panthère", des chemises roses et des étiquettes nominatives pour les "candidats à l’amour" des jeux dits de « socialisation », tel est le rituel auquel Asja doit se soumettre, après son inscription au speed dating. Le décor ? un hôtel de style  "brutaliste"  celui qui avait triomphé après la Seconde Guerre mondiale.

Une mise en scène forcément "complexe": "diriger" tant de personnes, dans un huis clos, implique de changer d’angles de vue, de rythme, de cadrages, d'alterner duos et scènes de groupe, allers et retours -wc/ salle, salle conférence/salle à manger ; et hors de la salle voici tel une acmé. Asja filmée en plongée, danser avec frénésie au milieu d’un groupe de jeunes, avant que l’organisateur ne lui fasse comprendre qu’elle "n’est pas à sa place"  -elle était censée "retrouver" ses 17 ans, cet âge d'avant la "catastrophe" !!

 

Ambiance "joyeuse" bon enfant ? Légèreté de bon aloi -celle de la bonne humeur qui baptisera voire scellera les « nouvelles » rencontres ; légèreté que la réalisatrice saura faire voler en éclats avec un sens de la dramaturgie ; car dans ce huis clos, (une unité de lieu qui se conjugue avec les deux autres unités de temps et d’action) nous allons suivre les différents étapes comme autant de chemins vers les révélations, comme autant de cercles concentriques, pour que soit rendue palpable cette double cicatrice : celle d’une blessure -qui lacère le dos de l’ex victime-, celle d’un tourment intérieur qui hante la conscience de l’ex bourreau. Et la comédie vire au drame ! une question reste en suspens après la « démolition" (sorte de table rase) par Asja d’un équilibre précaire, le pardon est-il possible  30 ans après les faits ?

 

Certains "indices" avaient "alerté"  le spectateur : ce très gros plan sur une nuque que des mains croisées triturent et quand le plan s’ élargit nous voici avec cet homme au dernier étage d’un immeuble comme si nous étions happé avec lui par le vide ; -en fait il regardait la silhouette d’une femme en jupe verte traversant un chantier, et nous allons emboîter le pas de cette femme filmée de dos  (deux  ou trois métonymies, deux ou trois fragments -la nuque le dos et les jambes- pour un tout ???) ; voici des excavations -vues en plongée- pour signaler la "reconstruction"  d’une ville, comme celle d'une population ? en contre plongée un cimetière témoin douloureux d’un passé relativement récent! 

Passé/présent, une ambivalence qui est aussi la dynamique de ce film traversé et comme irrigué par des "forces" antagonistes -individu/collectif, réparation/pardon, mémoire/oubli. Oui la ville de Sarajevo est toujours hantée par son siège ; oui la Serbie la Bosnie la Slovénie la Croatie sont toujours hantées par la guerre et ses traumatismes. Sont-ils indélébiles ? Oui. Peuvent-ils, ces traumatismes,  cohabiter avec une forme d’apaisement -voire de réconciliation ? Oui peut-être. Dire et pardonner serait-ce la "leçon" de ce film (ce qu'illustreraient  la superposition des deux  "confessions" puis l'étreinte des deux corps)

 

Ce film au titre ironique , et dont le huis clos serait comme le microcosme d'un pays, est  servi par l’admirable interprétation des deux acteurs principaux : Adnan Omerovic (Zoran, un anti-héros qui porte les stigmates de la douleur et de l’attente angoissée) Jelena Kordic Kuret (Asja décontenancée par les révélations de son compagnon de "jeu"  mais toujours "combative" !)

Un film qui s’inspire du vécu -ô combien hallucinant !- de la co-scénariste de Teona Strugar Mitevska

Un film que je vous recommande -malgré quelques bémols (cf. les plans trop insistants sur les jambes le dos les pieds d’Asja -quelles qu'en soient les connotations-,  la couleur verte comme filtrée qui au début contamine le décor)

 

Colette Lallement-Duchoze

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