17 février 2023 5 17 /02 /février /2023 21:03

SynopsisBrahim est un jeune homme secrètement gay. Il est aussi la joie de vivre de sa mère, qui espère qu'un jour il trouvera l'amour de sa vie, il deviendra père de famille et les rendra tous fiers. Lors de la fête d'anniversaire de sa mère, les tensions autour de sa sexualité non acceptée deviennent insupportables. Brahim fuit la maison familiale qui lui est oppressante. Cette nuit-là, une terrible rencontre va tout changer."

Animals

Silence quasi sépulcral à l’issue de la projection, en présence du réalisateur Nabil Ben Yadir. C’était jeudi 16 février à l’Omnia

C’est que le public venait d’être témoin (complice impuissant ?) d’une barbarie : il avait assisté pendant 9 minutes aux tortures infligées sur un homme au prétexte qu’il était homosexuel. 9 minutes une éternité pour la victime

Surtout ne pas exiger du film la « reconstitution » des faits - homicide perpétré sur un homosexuel musulman à Liège en 2012 (certains spectateurs friands de détails, avides de morale punitive auraient souhaité des précisions sur le procès par exemple). Or ce n’est pas le propos…

 

Comme dans les films de Gaspar Noé, quel que soit le degré de violence, il s’agit avant tout d’une fiction, de la façon de la mettre en images, bref de cinéma. L’impact sur le regardeur est déterminant, c’est une évidence. A nous de faire les distinguos entre violence (image), représentation médiatique de la violence (jusqu’à une forme de banalisation) violence « fantasmée » -imaginer ce qui peut se passer, violence-objet commerciale institutionnalisée par Hollywood, violence plus insidieuse -institutionnelle par exemple.

 

Animals! Un film audacieux dans la façon d’utiliser les formats, de resserrer les cadres, de faire des vulgarités éructées (en II) la bande-son de la violence. Un film uppercut. Le choix des plans séquences, une caméra toujours proche des sujets filmés rendent palpable la tension. Structuré en trois mouvements - le meurtre partie centrale est encadré par deux séquences de fête, anniversaire et mariage-, mouvements aux raccords fluides (départ de Brahim à la fin de I embarqué à bord d’une voiture en II et retour de Loïc un des quatre bourreaux au domicile familial en III) et aux échos, inversés certes, comme illustrations de la déshumanisation. Dans le premier mouvement la caméra très proche de Brahim semble faire corps avec lui (son dos envahit souvent l’écran), il déambule dans la maison avec ses couloirs ses escaliers ses portes que l’on ouvre et ferme, comme dans les dédales de l’incompréhension, son visage en gros plan (que renforce le format carré 4,3) trahit l’inquiétude quand les appels réitérés à son ami Thomas restent sans réponse.; une « violence » larvée dans les non-dits ou dans les « reproches » du frère. Le même visage défiguré par la douleur de la torture, sera dans la deuxième partie filmé en un long plan fixe : le silence et l’effacement progressif jusqu’à l’obscur amplifient l’impression de mourir avec lui (le « jeu » partagé avec le gamin dans la scène d’ouverture, en I : se cacher jusqu’à s’effacer, ne plus exister n’est pas anodin…rétrospectivement il acquiert une dimension symbolique)

En écho dans la troisième partie la caméra suit de très près Loïc, celui qui vient d’achever sauvagement Brahim, les mains encore ensanglantées, et nous assisterons à une autre forme de violence ou plutôt au « basculement ». Après son crime Loïc participe, normalement, aux préparatifs du mariage de son père. Loïc, une figure angélique ? En réalité un monstre clamant sa victoire (revanche sur lui-même, son père ? à la limite peu importe, l’essentiel était de montrer « la naissance d’un monstre » « comment, à un moment donné, tu vas tout faire pour exister dans un groupe, quitte à t’oublier »

Et voici cette partie centrale celle qui a conduit certains spectateurs à fermer les yeux (alors que la bande son les poursuivait). Jamais dans la nudité arrachée n’apparaîtra le sexe mais les balafres, contusions, tortures, cris d’angoisse, autant d’humiliations forcenées, un acharnement mortifère contre l’autre l’étranger le « pédé ». Et voici dans le format carré 4,3 un autre format rectangulaire celui du smartphone comme si le réalisateur était hors champ comme si l’ignoble duplication devenait « cinéma » dans un dévergondage de trivialités.

Oui "Si j'avais suggéré la violence, on serait passé à côté du sujet, et on n'en aurait jamais débattu

Et pourtant des programmateurs de salles art et essai refusent la diffusion de ce film au prétexte qu’il va choquer leur public… écoutons plutôt ce distributeur Ce filmporté par le père de la victime, est montré dans les collèges et lycées à travers la Belgique pour éduquer, et prévenir les assassinats homophobes. Ce même film, en France, est interdit aux moins de 16 ans et interdit d’accès aux salles par le refus des programmateurs de le proposer au public, qui reste libre ensuite de choisir ou non de le voir.  Animals propose l’image manquante de ce qu’est un crime homophobe. Force est de constater qu’en France en 2023, cette image manquante n’est pas bienvenue dans les salles de cinéma, sous prétexte qu’elle serait trop violente  (Jane Roger – JHR FILMS, distributeur engagé)

 

 

Un film à voir absolument !

 

Colette Lallement-Duchoze

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