de Mario Martone (Italie 2022)
avec Pierfrancesco Favino, Francesco Di Leva, Tommaso Ragno
présenté en compétition officielle Cannes 2022
Après 40 ans d’absence, Felice retourne dans sa ville natale : Naples. Il redécouvre les lieux, les codes de la ville et un passé qui le ronge.
Nostalgie : du grec ancien νόστος, nóstos (« retour ») et ἄλγος algos (« douleur »)
C’est bien d’un retour après 40 ans d’éloignement -dont un exil forcé-, et de douleur, celle lovée au fond de soi ou tapie derrière chaque visage retrouvé chaque porte regardée ou franchie, qu’il s’agit dans ce film adapté du roman éponyme d’Ermanno Rea, Moins la nostalgie, dynamique interne des grands poèmes antiques (dont Ulysse serait le parangon) que celle plus sournoise d’un secret enfoui et lancinant que Felice -de retour au pays de son enfance- doit « confesser » - tradition catholique oblige alors qu'il s'est converti à l'Islam ?. Une nostalgie qui colore de sa tonalité sépia tout le film (des façades délabrées aux églises en passant par les ruelles et les intérieurs)
Dans un premier temps le spectateur est invité à suivre Felice (admirablement interprété par Pierfrancesco Favino) dans ses déambulations de solitaire, qui (re)découvre sa ville natale et plus particulièrement le quartier populaire de la Sanità. Instants ô combien précieux et émouvants que ces étreintes entre la mère et le fils (prodigue !!) – et certains tableaux renvoient à des peintures de pietà inversée (la mère portée avec délicatesse pour un bain lustral, préfigurant peut-être la « toilette mortuaire »)
Mais à partir du moment où le personnage a décidé de « rester » et de « mourir » dans sa « patrie » alors qu’on lui enjoint de « partir », le film va opérer un double basculement qui signe aussi un fâcheux délitement. Basculement thématique : à l’amour filial se substitue l’exploration d’une amitié, la douceur cède la place à la noirceur, et les motivations succèdent aux émotions
Changement formel : mélange peu convaincant du présent et du passé reconstruit sous forme de flashback, prolifération de personnages, complicité souvent farfelue avec le prêtre Don Luigi farouche adversaire de la Camorra, face à face prévisible Oreste/ Felice. Et de même que les « allusions » aux films de vendetta mafieuse sont à la fois appuyées, convenues voire stéréotypées, de même les clins d’œil à la Bible (pourquoi m’as-tu abandonné éructe l’ex ami devenu l’incarnation du Mal à Judas son ami/traître )- même s’ils sont détournés de leur sens originel, sonnent faux
Le vrai personnage de ce film serait la ville de Naples que la caméra de Mario Martone explore dans ses anfractuosités ses ambiances sonores criardes et souvent délétères, ses labyrinthes de ruelles, ses catacombes, mais le parallèle voire la fusion- entre les strates de sa géographie profonde et celles d'un passé torturant - est parfois (souvent?) ostentatoire
Une déception à la hauteur de l’attente !
Colette Lallement-Duchoze