Documentaire de Marie Perennès et Simon Depardon (2021)
voix off Marina Foïs
Cannes 2022 • Sélection officielle - Séances spéciales & Compétition L’Œil d'or
Elles sont des milliers de jeunes femmes à dénoncer les violences sexistes, le harcèlement de rue et les remarques machistes qu’elles subissent au quotidien, collant la nuit des messages de soutien aux victimes et des slogans contre les féminicides
Le patriarcat est violent, sa destruction le sera aussi
Le sexisme est partout nous aussi
La révolution sera féministe ou ne sera pas
Une voix off avertit le spectateur : ce documentaire a pour objectif d’aller à la rencontre de 10 associations féministes, dans 10 villes. Et de fait, après un encart nous informant sur le nom de la ville (Lyon Montpellier Amiens Brest Paris, etc..) la caméra va être au plus près de ces jeunes femmes qui, par leurs collages -préparés collectivement puis exécutés de nuit sur les murs de leurs villes respectives-, s’insurgent contre les féminicides (123 depuis début 2022 comme les colleuses l’ont rappelé sur les marches du festival de Cannes en mai 2022), dénoncent les violences sexistes, le harcèlement de rue et les remarques machistes qu’elles subissent au quotidien.
Le dispositif choisi par Marie Perennès et Simon Depardon est identique d’un groupe à l’autre d’une ville à l’autre. D’abord un plan sur un « aspect » « typique » de la ville puis des cadres serrés sur des visages, une immersion dans l’intime des discussions, (surtout échanges concernant le bien-fondé de la démarche et les modalités d’exécution) et séances nocturnes de collage (seaux pinceaux lettres majuscules en noir), gros plans sur les slogans affichés dans des lieux publics ainsi réappropriés.
Le choix d’un tel systématisme est peut-être dicté par une volonté de mettre en exergue un élan national. Mais il a immanquablement ses revers (pour ne pas dire ses défauts...). Tout d’abord l’image de la spécificité urbaine- (le porte-conteneur au Havre qui occupe la moitié du plan, le Rhône à Lyon en vue aérienne, Bonne Mère à Marseille, en contre plongée, etc.) renvoie à des clichés touristiques bien trop lisses (comme on tourne les pages d'un catalogue désincarné).
Mais surtout les collages sont toujours montrés pour ce qu’ils sont et rarement pour ce qu’ils sont censés provoquer à commencer par la « riposte » annoncée dans le titre du documentaire. Certes l’espace public est investi de facto par ces "féministes" grâce à leur nouveau moyen d’expression -ces majuscules noires de survie. Or une telle réappropriation de l'espace -jusque-là investi essentiellement par les "hommes" - est de courte durée ; éphémérité dont elles ont conscience (car les lettres seront lacérées affirment-elles, d'ici 15 ou 30 minutes, peut-être plus ).
Et que dire de l’absence de coordination (raccord) et de contextualisation pour cette séquence où nous voyons ces "féministes" participer à une grande manifestation à Paris ? (on comprendra, a posteriori, qu’au montage cette séquence aura servi -mais artificiellement- d’apogée…à "riposte féministe" !!!) Et de cette autre où Laurence Rossignol (sénatrice PS Oise) propose de dédier aux colleuses un mur communal ???
Et enfin que dire de ce dernier plan qui consigne en les collectant (tel un album bien léché) les slogans éparpillés dans l’hexagone ?
Sinon que le documentaire a raté sa cible !!!
Dommage
Colette Lallement-Duchoze
Pour info, ce documentaire a suscité des remous….