d'Emilie Frèche (2021)
avec Benjamin Lavernhe, Julia Piaton, Bruno Todeschini, Catherine Hiegel, Youssouf Guaye
Sur la route de Briançon, la voiture de David percute un jeune exilé poursuivi par la police. Suivant son instinct, David le cache dans son coffre et le ramène chez sa compagne Gabrielle qui vit avec ses deux enfants. Bouleversé par le destin de cet adolescent, David s’engage à l’aider coûte que coûte
« Dans un monde civilisé, la solidarité ne devrait pas être un délit » (Anne du Refuge de Briançon)
La réalisatrice dit s’être inspirée de l’affaire des « sept de Briançon » (citoyens accusés d’avoir facilité l’entrée de migrants clandestins sur le territoire français, avant d’être relaxés) ; elle dit aussi avoir été alertée par la mort de Blessing Matthew une jeune femme nigériane qui pour échapper à une patrouille s’est jetée dans la Durance en mai 2018. A noter que suite au combat de Cédric Herrou, ce paysan de la Roya poursuivi pour délit de solidarité, le principe constitutionnel de fraternité et de la liberté d’aider autrui dans un but humanitaire sera reconnu en 2018, mais il reste encore pas mal de flou dans la législation…
Le film s’ouvre sur une scène de « bonheur » -David, Gabrielle sa compagne et ses deux enfants, terminent leur escalade en montagne ; visages souriants dans le bleu lumineux. Mais sur le chemin du retour la voiture heurte un jeune migrant poursuivi par la police et David, instinctivement, le cache dans le coffre. Jusque-là ni militant ni engagé il va désormais s’investir -corps et âme- dans un « délit de solidarité ». Alors que Gabrielle mène un autre combat (son mari l’assigne en justice pour récupérer la garde des enfants)
Rester fidèle à des valeurs fondamentales au risque d’être emprisonné ? de "compromettre sa vie de couple"?
Cette première fiction s’interroge ainsi sur la notion de « désobéissance civile » - ou plutôt d’obéissance à « un devoir d’hospitalité » - à travers le parcours d’un homme devenu malgré lui le Juste (excellemment interprété par Benjamin Lavernhe)
On devine tout le travail de documentation qu'elle a exigé (les PPA points de passage autorisés -soit contrôle de police 24h/24, la législation en vigueur, les distinguos « majeurs mineurs mijeurs », le collectif du Refuge, et le rôle des mouvements d’extrême droite qui coûte que coûte veulent « casser » de l’étranger, etc.).
Et pourtant bien que le thème soit « porteur » (ou du moins d’une brûlante actualité !!!!) cette fiction ne fait pas le poids face à d’autres « films » qui s’emparent de la question des réfugiés et traitent cette thématique presque en frontal (et je pense surtout à Libre un documentaire de Michel Toesca sur l’affaire Cédric Herrou) …
Mise en scène très convenue, alternance (très scolaire) entre ces monts enneigés – nature quasi virginale et vertigineuse- et séquences à hauteur humaine, défilé des « points de vue » divergents avec des éructations inutiles (gendarmes ou bénévoles du Refuge) avec ces « jeux » de cache-cache, ambiances nocturnes clichés pour la maraude -avec ces clignotements de lumière dans la noire opacité, enfants ballottés et comme pris en otage au gré des prises de position des parents (et la justice donnera raison au père pour la garde jusqu’à ce que le divorce soit prononcé et à la condition que la mère revienne à Marseille), et surtout les « propos » voire les dialogues sonnent souvent « faux » dans la bouche de certains locuteurs.
Reste comme en suspens la question éminemment politique « que doit faire un citoyen face à la violence d’un Etat qui ne respecte(rait) pas la légalité » ?
Colette Lallement-Duchoze