30 octobre 2022 7 30 /10 /octobre /2022 12:17

De Tarik Saleh (Egypte Suède 2021)

 

Avec Tawfeek Barhom (Adam) Fares Fares (Ibrahim) Mohammad Bakri (le général Al Sakran) 

 

Prix du scénario Cannes 2022

Synopsis: Adam, simple fils de pêcheur, intègre la prestigieuse université Al-Azhar du Caire, épicentre du pouvoir de l'Islam sunnite. Le jour de la rentrée, le Grand Imam à la tête de l'institution meurt soudainement. Adam se retrouve alors, à son insu, au cœur d'une lutte de pouvoir implacable entre les élites religieuse et politique du pays.

 

 

 

La conspiration du Caire

La longue séquence d’ouverture (et ses tableautins : relation père/fils, pêche sur le lac Manzala, relation avec l’imam du village) frappe par sa force narrative et symbolique (la séquence finale lui fera d’ailleurs écho mais nimbée d’autres aspects, connus du seul spectateur). Le gros plan sur les poissons prisonniers des filets annonce avec discrétion ce qui sera l’essentiel du film : comment la corruption prend dans ses filets l’humanité et la pureté profondes du jeune Adam. Car le nouvel opus de Tarek Saleh obéit à une double dynamique : odyssée initiatique et démantèlement d’un mécanisme où la frontière entre pouvoir temporel et spirituel est plus que poreuse, où machinations chantages manipulations sont des armes de « destruction » dans un pays gangrené par la « corruption » et l’instrumentalisation du « savoir »; et cette autopsie du jeu d’influences entre les élites politiques et religieuses peut ainsi s’apparenter à un thriller avec des « rebondissements » (même si certains spectateurs ont l’impression que tout est prévisible) -choisir sa cible, en faire un pion (infiltration) sur l’échiquier du pouvoir quitte à la détruire – Le colonel Ibrahim (formidable Fares Fares) incarne ce jeu de dupes et de masques avec un flegme déconcertant dans son arrogante duplicité (l’utilisation du téléphone et ses faux semblants telle une ludique métonymie)

 

L’alternance entre plans serrés (les nombreux face à face) et plans d’ensemble sur l’université d’Al Azhar (architecture majestueuse, citadelle bastion du sunnisme) ou les plans larges sur les rues de la capitale (où grouille le chaos) participe de (à) ce tempo qui confronte vastitude et solitude, pouvoir occulte et prosélytisme. L’aspect dédaléen de la "mission"  imposée au jeune étudiant est illustré par ce couloir sinueux à travers les corps assemblés, la caméra filme Adam en plongée ou de face (le temps est minuté …pour cet "infiltré"). L’alternance entre scènes diurnes et nocturnes, avec ses jeux de lumière franche ou tamisée, contribue aussi à la dramaturgie celle d’une suspicion généralisée.

Seul l’imam aveugle accèderait à la lumière ? et pourtant dans le face à face avec Adam il ne perçoit pas la « manœuvre »

 

 

Ne nous méprenons pas. Le film n’est pas un brûlot contre l’islam (les Frères musulmans en particulier) ; l’élection du grand imam (équivalent du Pape pour les catholiques) est un acte  "politique" ; il sera nommé à vie……de cela le pouvoir  (le maréchal Al Sissi et ses sbires) est conscient!! 

C’est une histoire sur le pouvoir et sur l’autorité́, pas spécifiquement à propos de l’islam, parce que l’islam, au fond, est comme tout autre système. Qu’il s’agisse d’un système politique ou religieux, il est composé de lois qui régissent tout mais qui peuvent aussi être facilement modifiées et transgressées par ceux qui ont le pouvoir, afin de satisfaire leurs propres intérêts, voire renforcer leur pouvoir » (propos du réalisateur)

 

Un film à voir assurément 

 

 

Colette Lallement-Duchoze

 

PS Rappel

L’histoire est l'aventure que vivent les personnages (celle qu’on peut lire dans les résumés les synopsis), le SCENARIO  c'est la MANIERE DONT EST RACONTEE  cette aventure (document de base très précieux, avec un sens aigu de la dramaturgie,  il sera déchiffré  par le réalisateur mais aussi par toute l’équipe technique, les acteurs; une page de scénario correspond à environ 1 minute de film)

 

Poétique du scénario | Cairn.info

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commentaires

J
<br /> Bonjour, j'ai été ébloui par ce film et je regrette de ne pas avoir été assez attentif à la fin. Quand l'iman du village demande "qu'est que tu as apris?" je n'ai pas imprimé la réponse et je le regrette.<br /> Est ce que quelqu'un pourrait m'expliquer? merci beaucoup
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