In the Name of the Duce (Au nom du Duce/Naples-Rome). Israël, Italie, Grande-Bretagne, 1994, 52 min.
Auteur & réalisateur : Amos Gitaï
Éditeur & distributeur : Agav Films.
à voir sur Médiapart (en partenariat avec Tënk)
visible pendant un mois
« Au nom du Duce », en 1993, Amos Gitaï filme la résurgence du fasc... | Mediapart
Fratelli d’Italia, parti post-fasciste mené par Giorgia Meloni, a largement dominé les élections italiennes du 25 septembre dernier. Comme avant en Suède, en Hongrie…, l’extrême droite s’installe.
En 1990, le cinéaste israélien a réalisé une trilogie sur cet inquiétant virage politique européen. Le documentaire que nous vous présentons, en partenariat avec Tënk, la plateforme du documentaire d’auteur, a été filmé en 1993 à Rome et à Naples.
Ici, la tête d’affiche avait surtout un nom : Mussolini.
Troisième volet de la trilogie de Gitaï sur la montée de l'extrême droite en Europe dans les années 90. Phénoménologie politique (sans commentaire) et road movie électoral tourné en quatre jours. Dans ce journal filmé à budget réduit, Gitaï dévoile peu à peu le réel qui domine encore le parti néo-fasciste italien : l'icône et le souvenir de Benito Mussolini, dont les militants du MSI essayent de cacher le poster face à la caméra. Dans une sorte de psychanalyse sociale, Gitaï rétablit via le cinéma une vérité historique enfouie. Il met en dialectique la mémoire des vieux juifs napolitains persécutés et le présent du MSI, pour la première fois au gouvernement après 1945 (avec Berlusconi) et prêt à s'ouvrir politiquement à Israël. Un film sobre pour se battre contre la violence de l'oubli et la rhétorique du pardon.
Federico Rossin Historien du cinéma, programmateur indépendant
Tënk
Son prénom est Alessandra. C’est la petite fille de Benito Mussolini, fondateur du fascisme et allié à Adolf Hitler durant la Seconde Guerre mondiale. Elle se présente sous l’étiquette du MSI, le Mouvement social italien, fondé dès 1946 par d’anciens fascistes et sympathisants. Elle n’a pas grand-chose à dire de son programme politique, elle précise d’ailleurs n’être pas toujours d’accord avec le MSI, mais qu’importe, elle a un nom qui suffit à raviver une idéologie, elle le brandit. Mussolini rassemblera 30 % des voix à Naples lors de ces élections municipales.
Amos Gitaï ne s’attarde pas sur elle, qui débite les poncifs, mais cherche à tout prix à filmer l’affiche électorale que le MSI ne veut pas dévoiler à « la presse étrangère ». Sa ténacité lui permettra de saisir un instant l’image où ne claque qu’un seul nom.
Amos Gitaï fait le cinéma qu’il a toujours fait : des images qui se mêlent, un kaléidoscope, des sons qui se couvrent les uns les autres. Comme pour signifier ici la confusion qui peut mener au chaos. Entre les meetings, les manifestations et les invectives dans la rue, s’intercalent pourtant de longs récits de juifs napolitains persécutés durant la Seconde Guerre mondiale. Ils disent la douleur des souvenirs, l’inquiétude de l’avenir. Cette vérité historique que le MSI voudrait occulter, Amos Gitaï décide de la brandir à son tour.
Et si l’un de ces juifs admet ne pas avoir peur en ce jour de 1993, il ne peut cacher sa crainte de la résurgence de l’antisémitisme avec la renaissance du fascisme : car « les choses ne commencent pas par des déclarations officielles », prévient celui qui sait, du fait de son histoire, que ces discours autorisent implicitement qu’adviennent « des manifestations populaires, des attaques ou des graffitis contre les juifs ».
Film à petit budget tourné en une poignée de jours, Au nom du Duce a été fait pour que l’on n’oublie pas.
En 1993 comme en 2022.
Médiapart