de Lionel Baier (Suisse France 2022)
avec Isabelle Carré (Nathalie Adler) Théodore Pellerin (Albert Adler) Ursina Lardi (Ute Lerner) Tom Villa (Charles-Antoine Dubat) Elisabeth Owona (Elisabeth)
Présenté au festival de Cannes 2022 Section Quinzaine des réalisateurs
Au début de l’année 2020, Nathalie Adler est en mission pour l’Union Européenne à Catane en Sicile. Elle est censée y encadrer la visite de la chancelière allemande Angela Merkel et du président français Emmanuel Macron dans un camp de réfugiés. Alors que les préparatifs se heurtent aux premiers obstacles, Nathalie découvre par hasard que son fils Albert est également présent dans le camp en tant que militant engagé auprès d’une ONG. Même si le temps lui manque, la fonctionnaire tente de renouer avec son fils qu’elle avait abandonné neuf ans plus tôt. .
Leurs retrouvailles vont être plus détonantes que ce voyage diplomatique
Troisième volet d'une tétralogie consacrée à l'Europe -après Comme des voleurs (à l'est) et Les grandes ondes (à l'ouest) -, La dérive des continents (au sud) est un film décevant; loin de souscrire à la formule "non pas une image mais un lieu" que répètera Nathalie ... en diverses circonstances!!
Non que le choix du réalisateur -l’humour et le cynisme au service d’un sujet grave voire tragique- soit contestable. Mais son traitement est sujet à caution, car les deux lignes narratives -la politique et l’intime- qui traversent le film, ne se superposent pas, l’une étant censée expliciter l’autre, à tel point que la dénonciation initiale assez caustique (impéritie de l’Europe dans sa politique migratoire) laisse place à une "fable" sur l’union européenne où le couple mère/fils prend le relais du couple franco-allemand de façon assez poussive quand elle n’est pas foutraque, entortillée dans des clichés, de faux symboles et des métaphores éculées (la mère indigne qui bat sa coulpe, le fils rebelle qui s’invente des identités sans les assumer ou les galvaudant, lui l’activiste au service d’une ONG de défense des réfugiés, un village détruit qu’un artiste a recouvert d’un immense sarcophage… et le titre lui-même pourrait se décliner ad libitum -plaques tectoniques, dérives du continent européen, dérives technocratiques familiales, failles affectives…)
Dès les premières scènes, le réalisateur donne à "voir" un monde farcesque et cynique. Au discours du populiste Salvini (nous sommes en 2020) qui se félicite de voir baisser ostensiblement le pourcentage de migrants, succèdent à un rythme rapide les éléments d’une mise en scène -telles des vignettes dignes (ou presque) d’un Tati -(fabriquer de l’insalubrité, biaiser le réel, afin de combler les attentes du président français…Ne pourra-t-on pas quelques semaines après se féliciter de l’impact de sa venue ??? et ce faisant améliorer son image de marque ? …Il faut transformer de fond en comble les lieux …Et le chargé de communication s’y entend en la matière !! (on aura reconnu le comique Tom Villa). Humour grinçant ! voici un Sénégalais qui "répète" son rôle mais ….son "français" n’est-il pas un peu trop châtié ??? On reprend, on reprend…
Et au moment précis où l’avion doit se poser, patatras, la visite est annulée, Angela Merkel et Emmanuel Macron sont convoqués à Rome pour un sommet ....sur la "grippe chinoise" !!!!
Re patatras (pour le spectateur): Nathalie Adler reconnaît dans le camp de réfugiés, Albert son fils qu’elle a abandonné depuis 9 ans (sa profession servant de prétexte à camoufler son homosexualité ou du moins à ne pas l’assumer !!!) et cette intrigue (relation mère/fils avec force chamailleries, rodomontades, reproches, justifications , immersion dans le passé comme dans le "surréalisme" ..) va envahir écran et scénario ; et ce faisant, réduire immanquablement la première intrigue, en minimiser la portée -hormis dans cette séquence où Élisabeth Owona, immigrée camerounaise, haranguant la foule vitupère l’hypocrisie européenne « vous ne cessez de nous filmer mais que savez-vous de nos sentiments ?
L’envol de ces milliers de papiers vers les cieux (où le bleu azuréen fait écho au tout premier plan du film) signe la réconciliation mère/fils: les deux ayant participé à la "libération" de cette inutile paperasserie, mais….empêche l’avion du couple franco-allemand de se poser…. Ultime pied de nez ? Ultimatum? Peu importe! l'Europe est "désormais" confrontée à une "pandémie" !!!!
Colette Lallement-Duchoze