d'Emmanuel Mouret 2022
avec Sandrine Kiberlain, Vincent Macaigne
Festival Cannes 2022 Cannes première
Une mère célibataire et un homme marié deviennent amants. Engagés à ne se voir que pour le plaisir et à n’éprouver aucun sentiment amoureux, ils sont de plus en plus surpris par leur complicité
Bosquets rieurs, Fée électricité, tableaux érotiques dont on ne perçoit pas l’élan oblatif, nature primitive dans sa minéralité et sa fraîcheur, appartements prêtés, chambres d’hôtel, intérieurs aux couleurs pastels, chant du monde aux lumières diffractées, que d’endroits complices pour une rencontre, une relation sexuelle clandestine (qui restera toujours hors champ) ; lieux désormais habités par la présence du couple ? ce que suggèrerait cette succession rapide de plans -tel un bilan conclusif ? ou s’agit-il d’un défilement sur l’écran de la mémoire ? au moment même où s’opère le basculement
Emmanuel Mouret avoue avoir aimé l’idée de deux amants qui décident de ne se voir que pour le plaisir, sans rien projeter, happés par le bonheur d’être ensemble
Pas de sentiment, pas au travail, pas n’importe quand ni comment, c’est le leitmotiv répété ad libitum… c’est le contrat qui lie les amants
Mais on assistera au triomphe du logos que la voix de Juliette Gréco et les accords de la cithare de Shankar enveloppent de leur suavité. Une fois de plus, dans la filmographie d’Emmanuel Mouret, c’est le discours amoureux qui est décliné en ses fragments ou plutôt ici en ses tourments -et les tergiversations de l’homme, ses indécisions, ses bifurcations, ses « combats intérieurs » le prouveraient aisément (notons au passage que si Vincent Macaigne interprète à merveille l’homme marié maladroit, Sandrine Kiberlain dans le rôle de Charlotte, mère célibataire « émancipée », donne l’impression d’être trop prisonnière de son texte).
Le réalisateur prend un plaisir malicieux à mener ses personnages précisément là où ils vont transgresser leurs « règles » initiales, tout en affirmant et revendiquant le contraire (le plan récurrent fixe sur chacun des deux filmés de dos alternativement semble ponctuer les étapes d’une prise de conscience dans leur silence intérieur)
Marivaudage et maladresses, dialogues incongrus (quand ce n’est pas le lieu qui frappe par son étrangeté) cela peut tout autant ennuyer que séduire ! Le discours amoureux (quand bien même les dialogues croustillent de drôleries et/ou d’ambiguïtés) est-il extensible à l’infini? même si la « concrétisation » du désir est limitée dans la durée (après tout il ne s’agit que d’une …liaison passagère…). Serait-ce la raison pour laquelle E Mouret introduit un autre élément, sauf que la « nouveauté » fait bifurquer la relation initiale fondée sur l’incomplétude consentie vers d’autres possibles fondés sur le sentiment
"On a voulu être élégants, on a été élégants, et on a tout raté".
Colette Lallement-Duchoze
PS le film a été présenté hier soir à l'Omnia pour fêter la réouverture de la salle art essai (en travaux depuis juillet 2020)
En présence entre autres du maire de la ville.
Dans son discours l'allusion à la Nupes (liaison passagère) fut d'un goût plus que douteux -en tout cas elle était déplacée...