16 août 2022 2 16 /08 /août /2022 04:44

d’Ali Abbasi (Suède-France-Allemagne-Danemark, 2021).

Avec Zahra Amir Ebrahimi, Mehdi Bajestani, Arash Ashtiani, Sina Parvaneh

 

Sélection officielle Cannes 2022

prix d'interprétation féminine  ( Zahra Amir Ebrahimi,)

 

 

Iran 2001, une journaliste de Téhéran plonge dans les faubourgs les plus mal famés de la ville sainte de Mashhad pour enquêter sur une série de féminicides. Elle va s’apercevoir rapidement que les autorités locales ne sont pas pressées de voir l’affaire résolue. Ces crimes seraient l’œuvre d’un seul homme, qui prétend purifier la ville de ses péchés, en s’attaquant la nuit aux prostituées

Les nuits de Mashhad

 

Cinéaste danois d’origine iranienne Ali Abbasi, a tourné Les nuits de Mashhad en Jordanie Je tenais particulièrement à ce qu’on reconstitue la face la plus sombre de Mashhad de manière crédible, et la Jordanie réunissait tous nos critères. On a déniché un endroit relativement quelconque et qui peut camper n’importe quelle région du Moyen-Orient, en fonction du point de vue qu’on adopte." Son film s’inspire de faits réels : en 2001 un maçon, père de famille, un homme apparemment sans histoire, avait tué 16 prostituées pour « débarrasser la ville sainte de Mashhad de la débauche » et il fut condamné à la peine capitale après un procès très médiatisé !!!

Comme dans l’excellent Border (Border - Le blog de cinexpressionsAli Abbasi explore une figure de la monstruosité. Ici celle d’un tueur qui, au nom de la religion, se fait justicier en "nettoyant" la communauté de ses impuretés -les femmes prostituées et droguées. Et comme le personnage de Border, Saeed ressent « les appels du pied d’un autre monde » SAUF qu’ici il s’agit de fantasme hybridé d’obligations religieuses, d’excitation de la foule et de délire narcissique. La caméra entraîne le spectateur dans ce « fantasme » (gros plans sur un visage habité par une folie vengeresse), dans ce gouffre dévastateur, (exécutant débridé et maniaque de la mort) le transforme en « voyeur » (scènes de sauvage strangulation, répétées avec peut-être trop de complaisance).

Le film se déploie tel un thriller dans un « double » récit : celui d’une journaliste courageuse, une femme émancipée, qui malgré les complicités phallocrates qui tissent le tissu social et politique est décidée à aller jusqu’au bout (découvrir l’identité du tueur « psychopathe » exiger sa condamnation) ;  celui d’un « fou de dieu » dont on pénètre la psyché, suit la croisade puis le procès. Mais cet homme va laisser en héritage à son fils Ali la mission dont il s’était senti investi : en témoigne la « leçon de choses » glaçante qui joue le rôle d’épilogue…La perspective d’un devenir « autre » serait-elle frappée d’inanité ???

Double récit, double exploration ou comment le film entrelace polar et analyse d’une société Je n’ai pas voulu tourner un film sur un tueur en série, mais un film sur une société tueuse. Enquête et radiographie ; comment la société a engendré un Saeed (cet ex soldat de la guerre  Iran /Irak, cet homme qui vénère le « grand imam Ali Reza ») comment une société est encore inféodée à des diktats patriarcaux, à des atavismes et à la corruption.

Tout cela est mis à nu dans ce film où le sens du « suspense » (attentes gradations rebondissements) et la maîtrise formelle (ambiances nocturnes, lumières bruitages etc. ) sont évident.e.s

Ce qui n’exclut pas excès outrance et complaisance (dommage !!)

 

Colette Lallement-Duchoze

Partager cet article
Repost0

commentaires

Mode d'emploi

Ce blog est destiné à collecter nos ressentis de spectateurs, à partager nos impressions sur les films (surtout ceux classés Art et Essai).

Envoyez vos articles ou vos réactions à: artessai-rouen@orange.fr.

Retrouvez aussi Cinexpressions sur Facebook

 

 

Recherche