documentaire
France. 2016. 80 min // Autrice & réalisatrice : Hélène Marini // Image : Nina Bernfeld, Nicolas Rideau, Mathieu Grosmaire et Hélène Marini // Son : Jean-Baptiste Fribourg, Mathieu Grosmaire et Hélène Marini // Montage : Isabelle Ingold // Producteurs : Zadig Productions & LCP - Assemblée nationale.
Une tournée dans la neige - Tënk (on-tenk.com)
« Une tournée dans la neige », ultime voyage d’une factrice | Mediapart
Une tournée dans la neige (cinefil.com)
Le 15 février 2013, Pauline, une jeune factrice intérimaire de vingt-et-un ans, s’est suicidée après une dernière tournée dans la neige. Sur le chemin de cette tournée, véritable image du cycle de la vie, viennent se croiser les luttes et les renoncements de ceux qui ont ou auraient pu connaître Pauline : syndicalistes en lutte, postiers heureux ou malheureux, fermiers enclavés dans leurs territoires de solitude, haut-responsables de La Poste convaincus de leur mission… Un film poétique et politique sur notre temps présent
le jeune facteur est mort/ l’amour ne peut plus voyager/Il a perdu son messager/ Il n’ira plus sur les chemins/Fleuris de rose et de jasmin/ Qui mènent jusqu’à la maison G Moustaki (1969)
En (re)faisant la "tournée 24", en donnant la parole à des riverains, des syndicalistes, des « facteurs », à un prêtre, Hélène Marini va donner un visage à Pauline, un visage qu’on lui avait confisqué.
Et son documentaire risque de résonner longtemps en nous. Autant la voix off de la réalisatrice frappe par sa douce lenteur autant l’inflexion générale est assez grave : paysages traversés, discours entendus sont comme le réceptacle des failles et des inquiétudes contemporaines, car le destin de cette jeune "factrice" intérimaire, qui s’est suicidée à 21 ans, dessine en creux un "management moderne" celui de la Poste bien sûr -où le "facteur" dispose de 39 secondes pour livrer un colis-, et où semble triompher le "turnover" des facteurs en CDD-, mais aussi d’autres structures ....
Nous sommes embarqués ; passager clandestin à bord d’une voiture; sur le chemin de …Pauline ; sur une route de Haute-Loire au sud de Saint-Etienne à 1000 mètres d’altitude. La relation sera cordiale et confiante.
C’est l’hiver. Et défilent ces paysages enneigés – qui inviteraient à la contemplation-, cet insidieux lacet glacé, alors qu’Hélène Marini dédie un ultime hommage à la jeune disparue ! Vont alterner des plans larges -voire de grands panoramiques-, dans un mouvement de travelling latéral et des plans plus resserrés sur les personnages interviewés et/ou de très gros plans sur leurs visages (un être dans son contexte, le même fortement individualisé par le zoom). Vastitude et solitude !
Les discours (hommage à une institution, incompréhension, indignation, révolte, résignation) malgré leur diversité apparente mettent l’humain au cœur de la réflexion ! (saluons le discours bienveillant du père Joseph Pichon: il affirme que le suicide n’est plus considéré comme un " péché" et compare le port de la Croix partagé avec Simon le Cyrénéen, avec la responsabilité collective ; ou encore celui de cette employée retraitée, fidèle tant à la SNCF qu’à la Poste, qui a perdu un fils handicapé, et qui bénévole, s’occupe désormais des enfants d’un centre aéré ; celui de ce nouveau secrétaire CGT qui en prenant le relais est persuadé de "faire bouger les choses" face à une incompréhensible résignation)
Oui ce documentaire, vital et palpitant -empathie sans mièvrerie-, authentique chambre d’écho -chronique non ostentatoire- est à la fois " poétique et politique" (même si certaines scènes trop empreintes de religiosité risquent de gêner certains…)
A ne pas rater!
Colette Lallement-Duchoze