de Karole Rocher et Barbara Biancardini : (2022)
avec Thomas Ngijol, Samir Guesmi
À la suite de l’enterrement de son père, dans son village en plein milieu du maquis corse, Dumè découvre l’existence d’un frère, Lucien, avec qui il devra partager l’héritage laissé par le patriarche. À condition d’arriver à cohabiter un mois dans la maison familiale… Sur fond de légitimité culturelle et d’héritage immobilier, un rapport de force va s’installer entre Lucien, le fils de sang, et Dumè, le fils adoptif…
Fraté est un film de famille : mis en scène par Karole Rocher et sa fille Barbara Biancardini, interprété par Thomas Ngijol (compagnon de Karole Rocher), dans le rôle de Dumè ; il est dédié (cf générique de fin) aux grands-parents Biancardini et la longue liste des remerciements salue les habitants du village Vezzani (les personnages sont comme pris sur le vif dans leurs commentaires de foot, leurs régalades , leurs chansons, etc…)
Premier plan : filmé de dos face à l’immensité bleue- (démarcation entre l’Île et le continent) -Dumé (Thomas Ngijol) téléphone; on devine que son séjour en Corse va se prolonger. Puis dans les deux scènes d’enterrement (à l’intérieur de l’église, oraison, prêche, homélie louant la « fraternité » liée à la « corsitude »; à l’extérieur, au cimetière avec le cortège d’embrassades, de condoléances de tout le village)-, Dumé apparaît bien comme le "fils du pays"
Ainsi dès le début du film, un microcosme (village isolé dans le maquis) est présenté comme le « reflet » d’un macro (celui de l’Île toute entière, de ses valeurs ancestrales que Dumé a fait siennes dès son adoption, enfant). Un environnement à la lumière diffractée dans les trouées de verdure.
La venue d’un « intrus » va-t-elle perturber ce climat d’entente, de solidarité ?
Premier impair : cet autre « fils », venu se recueillir sur la tombe de son père, s’adresse à Dumé comme à un esclave (un Noir est forcément un employé de maison....)
Deuxième "obstacle" et sujet de l'intrigue: la cohabitation forcée (pour respecter les clauses testamentaires); chacun des deux "fils" sera tour à tour le bourreau et la victime!. Vont se succéder moult scènes d’hostilités, de haine, de « projets » mortifères, dont certains abracadabrantesques -jusqu’à la réconciliation ....annoncée dès le début, ne serait-ce que par le rôle de médiateur qu'incarne Angelina, la soeur du défunt
Hommage joyeux à la Corse -propos de Karole Rocher-, ce film est certes une comédie qui, surfant sur les obsessions identitaires, se plaît à tordre le cou à certains clichés (dont la « pureté corse » comme principe d’exclusion). Son message ? la vraie fraternité (cf le titre) importe plus que la couleur de peau (Dumé est noir mais tout noir comme le lui rappelle Lucien) et que les obsessions communautaristes. Une autre philosophie -plus personnelle, mais peut-être hors la loi- est incarnée par l’ermite; clin d’œil à Colonna ??) Et le long chemin que parcourt Lucien dans le maquis -avant sa rencontre avec l’ermite- pourrait s’apparenter à un chemin initiatique dans le sens où il va se construire une mémoire. Un chemin de terre dans des paysages "sublimes", -forcément sublimes !!! pour devenir humain ? tout simplement !
Et pourtant cette joyeuse expérience ne convainc pas : comme si le scénario, l’humour , la mise en scène– et même le jeu des acteurs principaux qui "forcent le trait"- étaient délesté.e.s de leur force intrinsèque
Laissant souvent le spectateur à quai
A voir (éventuellement) sur petit écran
Colette Lallement-Duchoze